Retour sur les lieux de son enfance


Alain Mabankou a quitté le Congo pour aller étudier en France. Comme pour beaucoup d’expatriés, les années ont filé et il a fallu que 23 d’entre elles passent avant qu’il ne retourne sur les lieux qui l’ont vu grandir.

Invité par l’Institut de France à prononcer des conférences, il arrive à Pointe-Noire, sa ville d’origine. Sa mère étant morte en 1995, il y retrouve plusieurs autres membres de la famille : oncles et tantes, cousins et cousines. Ils nous sont tous présentés par l’entremise de souvenirs qui surgissent à la mémoire de l’auteur. On a aussi la chance de voir une photo de chacun d’eux, ce qui nous les rend si vivants.

Tous attendent quelque chose de lui. Ils veulent de l’argent, des services plus particuliers, certains demandent même à être un personnage dans son prochain roman. Il est carrément assailli de toute part. À un point tel qu’il évite certains endroits. Son voyage doit également lui permettre de se retrouver seul, dans ces lieux pour intégrer le cheminement qu’il a fait de même que les sentiments évoqués par ce retour à ses origines. Il se trouve en décalage dans cette ville qui n’est plus conforme à ses souvenirs, hormis pour l’importance de l’animisme, toujours aussi répandu, ainsi que quelques pratiques ayant encore cours.

Lumières de Pointe-Noire aborde en plus la notion de l’identité de l’expatrié. Maintenant, tant de choses sont différentes. Les lieux et lui ne sont plus les mêmes. Après toutes ses années aux États-Unis où il enseigne la littérature francophone à U.C.L.A, il est considéré par les Congolais comme un Américain. Aux États-Unis, il est vu comme étant Africain. Quant à lui, en fait, il n’est plus totalement Congolais, mais pas totalement Américain. Dans un monde où l’on aime classer les gens dans une petite boîte, ce statut peut être en quelque sorte inconfortable. Autant pour celui à qui on l’a attribué que pour les autres. Cette nécessité de voir les réalités, incluant les identités, soit noires ou blanches (sans jeu de mots) est dérangeante. Que fait-on des zones grises? Comment se fait-il que l’on n’ait pas encore appris à les apprivoiser? Bref, l’expatrié devient un étranger au sein de sa patrie d’origine.

Je suis entrée de plain-pied dans ce roman. Alain Mabankou a cette capacité à nous tenir. Il y a une simplicité qui se dégage de sa prose qui est, en outre, bien travaillée. L’histoire de cet homme qui retrouve ses racines est touchante et interpellera quiconque a un jour quitté sa ville, son pays, ou ceux dont les proches ont fait ce long voyage. Une lecture coup de cœur pour moi, bien que je sois toujours restée dans mon pays.

Yannick Ollassa / La Bouquineuse boulimique

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