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Affichage des messages du janvier, 2024

Les Insolents, d'Ann Scott : où est l'insolence?

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Alex, compositrice quadragénaire, quitte Paris et ses inséparables amis, Jacques et Margot (aussi célibataires, sans enfants), pour habiter une ville en bord de mer en Bretagne. Choisir de vivre en région plutôt qu’à Paris. Quand on est artiste, ça semble illogique. Qu’à cela ne tienne, Alex ressent le besoin de s’isoler pour créer. Pour donner un autre souffle à sa vie.     La décision d’Alex illustre celle de bien des gens, ces derniers temps. Durant la pandémie, beaucoup d’entre nous se sont rendu compte du poids de la solitude.  D’autres ont pris conscience que le ralentissement du rythme, la diminution des contacts sociaux leur ont fait du bien.    Pour plusieurs, choisir l’éloignement ainsi que le célibat est dérangeant. Comme si cela portait un jugement sur eux. Sur leur désir de vivre une existence trépidante, sur leur besoin d’être entouré. Mais pour Alex, il y a une acceptation. La préférence de vivre seule plutôt que d’être seule à deux, juste pour ne pas être à part. On con

Les meurtres du Low-Country

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Le quatrième livre de la collection  Society   des Éditions 10/18 dédiée au   true crime   américain porte sur l’affaire Murdaugh. En 2021, Alex Murdaugh, avocat, est accusé d’avoir assassiné sa femme et son plus jeune fils, quelques jours avant le procès de ce dernier pour le meurtre d’une amie. Alex Murdaugh est issu d’une illustre famille du Low-Country qui a engendré quatre générations de procureurs.     Malgré la réputation et le pouvoir des Murdaugh, l’enquête soulèvera des questions de corruption, de détournements de fonds, de consommation d’opiacés, d’homicides non élucidés. Le procès, qui s’est déroulé sur 28 jours en 2023, a fait déplacer les foules (dont l’auteur du présent livre) en plus d’être télédiffusé. Ce n’est toutefois pas une première aux États-Unis, les procès télévisés de causes médiatisées ne sont pas si rares qu’on peut le croire.    Arthur Cerf nous livre une enquête fouillée, avec maints détails et une écriture généralement fluide. Il rend bien l’ambiance du p

Les détournements

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J’avais adoré  In between , le premier roman de l’autrice, paru en 2016. Elle en a publié d’autres depuis, mais je ne les avais pas lus. Je me reprends ici avec son « petit » dernier. Gros dernier, devrais-je dire, parce qu’il y a de la matière là-dedans.  Dans  Les détournements , œuvre autofictionnelle, Marie Demers met carrément ses tripes sur la table. Elle scrute ses relations familiales, amoureuses, professionnelles et tente d’y défaire les nœuds, de lier ce qui pourrait améliorer le flot, pour que ça coule enfin dans sa vie. Elle y expose les éléments toxiques et les tendances autodestructrices au grand jour.    « Je choisissais peut-être la dépression pour la simple et bonne raison que je ne voulais ni vivre ni mourir. » 

 C’est brutal, c’est cru, c’est férocement honnête. Quelle introspection et quelle justesse de l’analyse ! Quelle lucidité quant à ses mécanismes ! Je n’ai pas eu le sentiment qu’elle écrivait ce livre pour se comprendre davantage. Je trouve qu’elle se cerne

Last call : un travail de recherche collossal!

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I l y a une nouvelle vague d’œuvres de fiction et de non-fiction portant sur des tueurs en série qui mettent l’accent sur les victimes plutôt que les assassins. Au lieu de glorifier les derniers, on préfère (avec raison) rendre hommage aux premières.  Last Call  s’inscrit dans cette veine.    Elon Green s’est intéressé à un cas qui est presque passé sous silence. Dans les années 1980 et 1990 a sévit le  Last call killer , un tueur en série qui s’est attaqué à la communauté gay de New York. Les corps démembrés d’hommes gais sont trouvés dans des sacs de poubelle.    D’emblée, je précise qu’il s’agit d’une enquête exhaustive (je mets l’emphase ici sur ce mot), qui m’a fait penser à mes cours de méthodologie de recherche. Chaque élément ou parole rapportée est appuyé d’une source, que l’on peut retrouver en fin de livre (il y en avait trop — 668 — pour le faire en bas de page). Personnellement, je n’ai pas senti le besoin de les consulter, mais celui qui veut a la possibilité de le faire.

Tout le monde savait, de Valérie Bacot

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Le 13 mars 2016, à la suite d’un viol effectué par un client, Valérie Bacot tue son mari violent qui la prostituait. En octobre 2017, elle est arrêtée pour le meurtre de Daniel Polette et ses enfants sont aussi interpellés pour avoir enterré le cadavre de leur père.   Valérie Bacot est agressée sexuellement (à répétition) par le conjoint de sa mère, une femme alcoolique et violente, dès l’âge de 12 ans. La mère sait et ferme les yeux. Après une dénonciation dont on ne connaît pas la provenance, l’agresseur est emprisonné. Valérie est forcée par sa mère à l’accompagner lorsqu’elle le visite. À sa libération, il retourne habiter avec elles jusqu’au jour où, inévitablement, Valérie se trouve enceinte. Daniel Polette décide de quitter la mère et amène la jeune fille avec lui. En plus des assauts sexuelles, les violences psychologique et physique deviennent peu à peu son lot quotidien. L’homme maltraitera aussi leurs quatre enfants.    Il est révoltant que tout le monde ait été au courant,

Chaque blessure est une promesse

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Quand il apprend que son père, un homme actif et en forme, a reçu un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA), Simon Brousseau est en état de choc. Cette maladie neurologique dégénérative, sans pitié, affaiblit les muscles de manière considérable au point où ils en viennent à ne plus fonctionner. Pour monsieur Brousseau, comme pour 80 % des personnes atteintes, le temps est compté, car l'espérance de vie est de 2 à 5 ans. Il nous raconte comment il compose avec l’idée de la mort prochaine de son père. Ça le bouleverse, bien sûr. Perdre un parent est déchirant, mais ce qui attriste le plus l’auteur, c’est que sa petite fille d’à peine un an ne connaîtra pas son grand-père et que celui-ci ne la verra pas grandir. Toute la situation donne bien sûr lieu à des questionnements philosophiques, notamment sur le sens de la vie. Il les aborde en toute simplicité.   « La maladie infléchit le sens du monde jusque dans ses moindres détails »   « La question du sens de la vie a une co

Fille de fer

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Marie conduit des trains miniers sur la Côte-Nord. Elle n’a pas la vie facile, car seule femme, elle subit les commentaires et comportements hostiles de la majorité de ses collègues qui souhaitent qu’elle démissionne. Mais Marie n’a aucune intention de se laisser intimider.   Une nuit d’hiver, en pleine tempête, le train tombe en panne. Alors qu’elle essaie de vérifier son état, elle se blesse, perd conscience et est secourue par un homme qui l’amène au creux des bois pour la soigner, sans toutefois aviser la compagnie de chemin de fer qui l’embauche.    Sans qu’il s’agisse d’un suspense intense, bien que la tension montre clairement dans la dernière moitié du bouquin, Isabelle Grégoire pique la curiosité de son lecteur en laissant planer une ambiance un brin nébuleuse. Qu’est-ce qui a causé l’accident de train ? Quelle est l’histoire de cet ermite cultivé qui a recueilli Marie chez lui ? Jusqu’où les collègues de la jeune femme iront-ils pour s’en débarrasser ?   Les romans de l’autri