L'atelier des miracles


Jean Hart est un bon samaritain. Il recueille des gens que la vie malmène. Il vient à leur rescousse dans son auberge, L’Atelier des miracles. Son engagement, les remettre d’aplomb en un mois. 

Les bénéficiaires de ses soins que l’on rencontre sont Millie, qui est amnésique après avoir survécu à un incendie dans son immeuble à appartement. Une fille fort complexe, qui a toujours eu du mal à se lier aux autres. Puis il y a Mariette, l’enseignante qui a pété un plomb et qui a giflé l’élève qui la tyrannisait. Elle est la femme d’un puissant homme politique hautain et méprisant, qui sape l’estime de soi de sa conjointe par ses attitudes et agissements. Finalement, il y a Monsieur Mike (remarquez les prénoms qui débutent tous par M), un ancien militaire, maintenant SDF, à qui Jean offre un toit et un job à l’Atelier.

Ces personnages brisés chacun à leur façon se retrouvent à l’Atelier des miracles, à essayer de rebâtir leur estime d’eux-mêmes afin de redonner un sens à leur vie. Ils doivent beaucoup à Jean, cet homme presque parfait, qui affiche toujours un positivisme si exagéré qu’il en est louche. Tout au long du récit, le lecteur passe son temps à se demander quel est son truc à celui-là. C’est un homme fort nébuleux dont les motifs le sont tout autant. On le voit craquer, vers la fin, sans toutefois avoir été en mesure de mettre le doigt sur son problème avant. Les pensionnaires apprendront à connaître Jean et à percer le mystère qui l’entoure. Peut-être n’est-il pas aussi parfait qu’on pourrait le faire croire. 

Dans ce dernier roman, l’auteure exploite les thèmes de la solitude, des secrets, de culpabilité, d’espoir, de deuxième chance. Mais la grande question demeure l’altruisme. Qu’est-ce que l’altruisme ? Existe-t-il vraiment dans son sens désintéressé ? Soyons honnêtes : l’altruisme, cet élan à faire du bien à l’autre, c’est toujours dans le but de se réparer. Il n’y a pas de réel altruisme. L’acte à 100 % altruiste est une utopie, car, quoi que l’on fasse, l’objectif ultime, c’est de se faire du bien. Il n’y a pas de mal à ça, puisque l’autre en bénéficie également. Mais l’aide-t-on réellement — parfois à son détriment — ou s’aide-t-on soi-même bien plus ? Une autre question qui se pose : jusqu’où va-t-on pour aider l’autre ? Ces réflexions sont amenées subtilement, bien qu’elles reviennent tout au long du livre, comme autant de chance pour le lecteur de se positionner à ce sujet.

Valérie Tong Cuong possède une écriture soignée. La structure du récit est sans faille. La principale force du roman réside dans la construction de ses personnages. L’auteure leur donne voix, chacun leur tour. Ils sont bien circonscrits, possèdent un langage qui leur est propre, ce qui permet de cerner davantage leur unicité et de s’y attacher, de vouloir les prendre sous notre aile, nous aussi.

Ce qui me plaît particulièrement, c’est que l’auteure s’est gardée de faire dans la psychologie à deux balles, ce qui aurait pu être facile, vu le sujet. Elle s’est concentrée sur les personnages plutôt que sur des concepts à transmettre, des leçons à passer. Ce qui est tout à son honneur.

Une lecture que l’on quitte avec dans le coeur, les personnages, et une question : l’aide a-t-elle un prix ? Et quel est-il ?


Yannick Ollassa / La Bouquineuse boulimique

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