Le vent en parle encore, de Michel Jean

On est en 1936, à l’époque où le clergé et l’État se liguaient encore ensemble sur certains dossiers, comme celui des autochtones. Les sauvages, comme ils les appellent, sont odieusement considérés comme un croisement entre un animal et un humain. Ce sont, pour les dirigeants, des âmes à mater, puis à éduquer correctement. Mais surtout, il faut les cacher, les casser et les faire obéir, de toutes les façons possibles. Nombre de religieux se sont livrés à des sévices, plus cruels les uns que les autres, à leur égard.

C’est ainsi que Virginie, Marie et Thomas sont arrachés à leur famille pour être éduqués dans un pensionnat se trouvant à plus de 1000 kilomètres du lieu qu’ils connaissent. Là, on les dépouille de leurs prénoms pour leur assigner un chiffre, on leur interdit de parler leur langue natale et, comme si cela n’était pas assez, afin de les casser, de leur voler leur âme, on les bat, les maltraite, les viole. On découvre tout cela alors que plus de 60 ans plus tard une avocate chargée de retrouver tous les anciens pensionnaires encore vivants afin qu’ils soient dédommagés pour les sévices subits, recherche trois d’entre eux, dont on semble avoir perdu la trace. Ce qu’elle découvrira la bouleversera profondément

C’est sans contredit une histoire émouvante, bien que je me sois attendue à être plus retournée. Ici, il n’y a pas de quoi alimenter le voyeuriste et autres amateurs de pathos. La plume de l’auteur est toute en retenue, caractéristique qu’elle conserve dans chacun de ses romans. Les personnages ne s’épanchent pas indéfiniment sur leur sort, même s’il est monstrueux. Il faut se rappeler que l’on est à une époque où cela n’était pas pratique courante. Il fallait avancer, coûte que coûte. Ajoutons à cela que les principaux protagonistes sont jeunes et ne maîtrisent pas encore toute la profondeur de leur vécu émotif. Cela ne veut pas dire que la psychologie des personnages est gommée, au contraire, elle est d’une justesse incisive.

D’autre part, Michel Jean créé des ambiances d’une réalité extraordinaire. À travers les paysages, les odeurs, les sensations, le lecteur se recroqueville sur lui-même, prit d’effroi ou tire une couverture sur son corps pour contrer le froid humide du bord de l’eau.


C’est aussi agréable de constater à quel point, de roman en roman, le style de l’auteur s’améliore et se précise. Cela fait de ce titre, le plus achevé de l’auteur, le plus peaufiné et certes le plus réussi.

Yannick Ollassa/La Bouquineuse boulimique

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