Pourquoi courir?

La course, le jogging, le footing, quelle que soit l’appellation qu’on utilise pour la décrire, est sans contredit une activité en plein essor. Beaucoup de livres y sont consacrés, mais il s’agit généralement de guides pratiques ou d’essais sur ses bienfaits physiques ou la façon de traiter les blessures qui y sont parfois reliés. En septembre dernier, paraissait le recueil de nouvelles Pourquoi cours-tu comme ça, publié chez Stanké. La mission confiée à six autres auteurs par Marie-Josée Turgeon et Michel Jean : écrire une nouvelle au sujet de la course.

Il existe plusieurs motivations pour se mettre à courir et de persévérer – chose qui est plus difficile que de commencer. Des raisons primaires, secondaires et tertiaires. L’un court un peu par hasard parce que l’on a remarqué que son défaut plantaire lui permet de courir rapidement. L’autre pour faire le deuil des relations, s’accrocher à la vie et pour enrayer la maladie. Un autre pour se tenir en forme, pour être avec la fille dont il est tombé amoureux… pour la sauver, ou pour guérir d’une peine d’amour ou encore pour se trouver un chum.

Ce qui est intéressant de lire, dans ce recueil, ce sont les rencontres que l’on peut faire en pratiquant ce sport de prime à bord solitaire. Tout comme de voir la façon dont les gens changent, non seulement physiquement, mais aussi psychologiquement.

Quand j’ai commencé la lecture, je n’ai pas à chercher qui avait écrit le récit. Je voulais avoir le plus d’objectivité possible. Certains auteurs m’étaient connus et je voulais me concentrer sur chaque texte, ne cherchant pas à prédire où un auteur ou un autre voulait m’amener. Un peu comme, je crois que je vous l’ai déjà mentionné, je ne lis jamais les quatrièmes de couvertures après avoir reçu un livre. J’aime entrer dans une histoire sans savoir où je vais, sans trop en savoir sur le sujet, les personnages, afin d’avoir le plaisir de le découvrir au fur et à mesure.

C’est donc ainsi que j’ai entamé ce recueil. En cours d’exercice, bien sûr, certains textes ont retenu mon attention plus que d’autres. Que ce soit pour leur sujet, le ton, etc. Puis, un texte m’a littéralement emportée. Charmée. Plus que ce à quoi je m’attendais. Premièrement, le titre m’a plu. C’est le titre d’une chanson d’un groupe que j’affectionne depuis plus de 30 ans. Ça partait bien. Puis, dès les premiers mots de ce texte que j’ai trouvé, ma foi, assez poétique, j’ai été happé par sa beauté. Le texte est rédigé comme une lettre. Parfois, l’utilisation du pronom « tu » est déstabilisant. Pas dans ce cas-ci. On y raconte une rencontre importante qui a lieu autour de la course. Il contient une certaine intrigue, donc les pages se tournent d’elles-mêmes. Puis l’homme qu’on y découvre est beau dans une certaine naïveté, dans la pureté de ses sentiments et émotions. Dans son désir d’aider et dans une vulnérabilité assumée. Ce dernier aspect est certes celui qui m’a conquise. Nous sommes tous vulnérables, mais nous ne l’assumons pas toujours. Ça demande un grand courage de le faire. Et c’est touchant. Particulièrement lorsqu’il s’agit de vulnérabilité masculine. Quand j’ai lu le nom du personnage principal, Jean-Nicholas, j’ai tout de suite deviné qui en était l’auteur, puisque c’est un personnage d’un de ses précédents romans. J’ai été agréablement surprise. Je ne vous en dis pas plus, je veux vous laisser le découvrir.

J’ai souri lorsque j’ai lu l’histoire de Cynthia, qui veut se mettre à la course pour se trouver un mec. La pauvre n’aime pas vraiment courir et n’y connaît strictement rien! Elle croit commencer la course et être en mesure de faire le marathon six semaines plus tard, affublée de son plus beau petit kit de course. Une fille impayable à qui la vie réserve toute une surprise!

Dans Asphalte, Florence Meney décrit bien la dépendance et l’obsession que peut engendrer la course. L’emprise des sentiments transperce les pages et les images utilisées sont on ne peut plus frappantes. D’une autre façon, Errances, de Patrice Godin, aborde également le thème de la dépendance, mais aussi du besoin de se dépasser, constamment, toujours plus. D’avancer, coûte que coûte.

À travers plusieurs textes, on perçoit ce besoin de mater son corps, de le contrôler, de le pousser au maximum. Ça, ça me parle beaucoup. Dans ma vie « pré chamboulement », j’en étais une adepte. J’aurais d’ailleurs bien aimé écrire un texte sur ce qui arrive quand, malgré les poussées, les menaces et autres mesures contraignantes, celui-ci refuse de répondre.


Une chose que le non-coureur constate au travers les histoires est que courir est dur (ça, on le savait) chaque fois. Il faut une volonté de fer pour sortir de chez soi et y aller. Et ça fait mal. À chaque course. Même pour les coureurs expérimentés. Hum… Ça, ça n’aidera pas certaines personnes à adopter ce sport. Par contre, les endorphines arrivent… plus tard que tôt, mais tout de même, et elles procurent un bien-être que certains disent presque inégalé. Ça et les bienfaits pour la santé, c’est un minimum nécessaire pour continuer. Parce que sinon, il faut être vachement maso, non?

Yannick Ollassa / La Bouquineuse boulimique

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