Marjorie Chalifoux de Véronique-Marie Kaye : un délicieux roman!
Marjorie Chalifoux est le deuxième roman de la dramaturge Véronique-Marie Kaye. Une première lecture des écrits de l’auteure pour moi et je dois dire que j’ai adoré son écriture alerte et sarcastique. Son humour est également subtil et fin.
On est à Ottawa, au milieu du siècle dernier. La mort est omniprésente dans la vie de Marjorie, depuis son premier souffle. Sa mère est décédée en lui donnant naissance, laissant ainsi à son père le soin de l’élever. Ce dernier ayant le don de parler au mort, il décide de recevoir à la maison des dames désireuses de parler avec un proche défunt en échange d’un peu d’argent. Cela lui permet de surveiller son enfant tout en gagnant sa vie. Marjorie côtoie donc en quelque sorte les morts qui rendent visite à son père. Tranquillement assise dans son coin, elle apprend à faire partie de la tapisserie. Elle est si discrète qu’on a l’impression qu’elle n’est pas là. Quand elle vieillit, elle effectue de menus travaux de coutures pour les clientes de son père, dans une pièce attenante à la cuisine.
À 19 ans, elle devient amoureuse du beau Lucien, qu’elle voit à l’insu de son père. L’homme au caractère difficile en a toujours voulu à sa fille pour la mort de sa mère et la communication entre sa fille et lui est quasi inexistante. Elle tait donc cette relation, qui lui donne pour la première fois l’impression d’exister. Malheureusement, ce bonheur est de courte durée. Le jeune homme meurt dans un accident de voiture, le lendemain matin d’une soirée bien arrosée. Cette dernière mort sera un élément pivot dans la vie de Marjorie. C’est qu’elle est enceinte. Lorsqu’elle annonce à son paternel qu’elle attend un enfant dont le père est mort, celui-ci est, comme on peut se l’imaginer, furieux. Il est catégorique. Elle doit se trouver un emploi et un mari. Pour arriver à ce dernier objectif, il concocte un plan qui ne plaît pas à sa fille. Écoutera-t-elle son père? Comment fera-t-elle pour se sortir de cette situation délicate?
Je l’avoue, j’ai entamé la lecture en ne m’attendant pas à grand-chose. Peut-être avais-je un a priori en raison du titre. Peut-être bien que je me disais que si l’auteure n’avait trouvé rien d’autre que le nom du personnage, cela signifiait que rien de particulier ne ressortait dans le roman. Quelle surprise! Dès le départ, j’ai aimé le personnage principal. Plutôt timorée à la maison, elle a bien plus de caractère que ce à quoi l’on pourrait s’attendre. Marjorie a un solide sens de la répartie et s’en laisse moins imposer qu’on ne le croirait, particulièrement pour l’époque. Sa grossesse semble lui avoir donné une hardiesse qui lui a longtemps manqué. Elle prend les rênes de sa vie et tente de l’orienter selon sa volonté. Il faut dire qu’elle aura la chance de rencontrer une autre femme forte qui l’aidera à sortir son épingle du jeu.
Ce n’est qu’au milieu de ma lecture que j’ai saisi qu’elle démontrait des signes de rébellion avant même sa relation avec Lucien. Je vous mets en contexte. On est à Ottawa dans les années cinquante, comme je le mentionne plus haut. Les tensions entre anglophones et francophones sont palpables. À cette époque, l’appartenance à l’un ou à l’autre des «clans» traçait en quelque sorte la ligne de vie des individus. L’avenir souriait davantage aux anglophones, plus scolarisés, plus intellectuels et plus fortunés que les francophones, qui étaient majoritairement issus du milieu ouvrier. Le père de Marjorie n’aime donc pas les anglophones. Or, elle l’appelle « Dad ». Au début, je trouvais ça anodin. Mais en fait, c’est une façon de se venger de la façon dont il l’a traité toute sa vie durant.
Bref, je vous recommande chaudement cette lecture qui m’a charmée du début à la fin.
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