Charlotte ne sourit pas
Voici un roman bien étonnant et parfois déstabilisant que nous propose Thomas O. St-Pierre.
Il nous amène dans les méandres d’une amitié dont on devine, peu à peu, qu’elle n’est pas si enrichissante que l’on pourrait le souhaiter. Charlotte et Mireille habitent ensemble en colocation. Les deux jeunes femmes dans la vingtaine entretiennent une relation qui contient une bonne part de jugements, de critiques, de conflits et de tensions.
Charlotte est une jeune femme timide. En fait, elle souffre peut-être d’une forme d’anxiété sociale. Elle manque d’habiletés sociales, et on la sent cynique et désabusée, mais plus que tout, elle se questionne beaucoup sur elle-même. Elle est en proie aux questionnements traditionnels de la vingtaine. Qui suis-je? Qu’arrive-t-il si la personne que je suis ne me plaît pas? À la base, elle ne s’aime pas, pas plus que l’image que les autres ont d’elle. L’image que les autres ont de nous est souvent différente de la personne que l’on sent être. Dans le roman on réalise à quel point il est nécessaire de faire attention à ne pas trop se fier aux perceptions des autres pour se définir. Oui, on peut réajuster des choses, mais il ne faut pas considérer que si les gens nous perçoivent de telle façon, ce que nous le sommes effectivement. La remise en question est intéressante, mais pas quand elle devient autodestructive. Il faut s’en servir pour se construire, pour aller dans le sens de ce que l’on désire et non pour se détester et s’apitoyer.
La vingtaine est aussi un moment où l’on s’interroge sur les amitiés. Qu’est-ce qu’une amitié réelle? Est-ce que ce qui lie Charlotte et Mireille en est une?
Cela m’amène à vous parler du point de vue narratif qui est fort intéressant, après un instant à avoir été déstabilisé. Dans ce roman, le narrateur a comme un pouvoir sur les personnages ou en fait, il aimerait en avoir un, mal à l’aise qu’il est dans le rôle tout simple que de rapporter l’histoire. Il aimerait bien aider les personnages, les conseiller, changer leur trajectoire. C’est très original comme approche!
J’ai cependant quelques réserves quant au roman. D’une part, pour être honnête, ça m’a pris un certain temps avant d’entrer dans l’histoire. J’avais l’impression qu’on me tenait à distance, comme si Charlotte ne voulait pas que je m’approche trop.
D’autre part, j’ai été étonnée par l’utilisation abondante d’adverbes, dont « mais » est celui qui revenait avec le plus de constance. De manière générale, on essaie d’éviter leur recours pour ne pas nuire au rythme du texte ainsi qu’à sa richesse. Ici, on est à la limite. Ça ne nuit pas, car il réussit à faire fonctionner le tout avec son style d’écriture, mais on le remarque tout de même. J’ai quand même trouvé que plusieurs d’entre eux n’étaient pas nécessaires.
Par contre, on assiste à de bons moments lors des huis clos entre les deux colocataires et ça fait contrepoids aux petits bémols qu’on a pu avoir plus tôt dans la lecture. On aura sûrement droit à d’autres ouvrages de ce jeune auteur de 30 ans dont Charlotte ne sourit pasest le deuxième roman.
Commentaires
Publier un commentaire