Jeudi jeunesse : Nous, de Patrick Isabelle, un roman phénoménal!


Après Eux, portant sur le phénomène de l’intimidation, Patrick Isabelle revient avec Nous. Le personnage principal du premier roman a commis l’impensable après avoir subi jour après jour les insultes, l’humiliation et les mauvais traitements. Il se retrouve en Centre jeunesse dans l’aile de sécurité maximale, en attente de son procès et de sa sentence.

Dès l’incipit, on est accroché à chaque mot. Les pages se tournent rapidement, malgré l’intensité de la souffrance qu’elles contiennent. Tout comme pour Eux, c’est une lecture qu’on engouffre. On y passe quelques heures aussi intenses que bouleversantes. On veut bien sûr savoir ce qui arrivera au protagoniste, mais au-delà de ça, on ne peut s’empêcher d’être profondément remué par ce que vit intérieurement le jeune garçon de 14 ans. On est également sensible à certaines de ses conceptions quant à ce qui l’a poussé à pousser le geste qu’il a poussé, sans toutefois l’excuser, bien évidemment.

Par l’entremise de ses réflexions, on constate comment se sentent perçus les jeunes qui sont détenus dans les centres et on constate que la réhabilitation n’est pas simple, pris qu’ils sont entre le pessimisme, le mépris et parfois la peur qu’ils sentent à leur égard de la part des intervenants, le fait de vivre dans un climat de constante violence entre les pensionnaires et l’infime désir de certains de retrouver une vie normale… pour ceux qui en ont eu. Car la majeure partie d’entre eux n’en ont pas eu. C’est d’ailleurs le constat du protagoniste. Il choisit d’ailleurs de ne pas se faire d’amis, pour éviter les ennuis, les déceptions, et se retrouve isolé, ce qui n’aide en rien à évacuer la rage qui gronde toujours au fond de lui. Il tente de l’endiguer par l’écriture, mais ce n’est pas assez. Elle est toujours là, il doit donc la maîtriser. Mais elle constitue toujours une bombe à retardement et l’exprimer violemment devient de plus en plus attrayant. Comment sortira-t-il de là? Dans quel état? Qui sera-t-il devenu? Il ne le sait pas.

Un roman puissant qui remet en question plusieurs de nos idées reçues quant aux victimes devenues bourreaux. Quant à l’efficacité des approches de réhabilitation. Quelque chose ne fonctionne pas. Comment le réparer?
Il soulève aussi des réflexions sur l’impact de la présence des parents à la suite de l’incarcération de leur enfant, et sur tant d’autres choses.

Patrick Isabelle, avec son écriture ultra efficace, signe ici un autre roman « coup de cœur » pour moi. Il rejoint ainsi Simon Boulerice dans les rangs de mes auteurs-fétiches de la littérature jeunesse..

À mettre dans toutes les mains des 12 ans et plus (ça inclut donc les adultes, car il fait parti de ces romans qui transcendent les catégories d’âge).

Lire la critique de Eux



Yannick Ollassa / La Bouquineuse boulimique

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