Mata Hari : payer le prix de la liberté quand on est une femme


Pour son dernier roman, Paulo Coelho a choisi de retracer les grandes lignes de l’histoire de Geertruida Zelle, alias Mata Hari; la première femme a dansé complètement nue dans une Europe de la fin des années plus ou moins prête à cela.

Le récit se décline en trois parties dont les deux premières constituent une longue lettre qu’elle adresse à son avocat. La troisième partie, pour sa part, est la réponse dudit avocat à cette lettre. Le texte est agrémenté de photos et coupures de presse de l’époque. L’auteur insiste sur le fait qu’il s’agisse d’un roman. Il s’est inspiré des renseignements recueillis lors de ses recherches, mais a parfois modifié le cours des faits et a créé les dialogues de toute pièce.

Dès les premières pages, on assiste à son exécution, alors qu’elle est âgée de 41 ans. Le reste du texte retrace les grandes lignes des événements qui ont mené à ce moment tragique.

Née en Hollande en 1896, celle qui prendra le nom de Mata Hari alors qu’elle habite Java, dans les Indes orientales, où elle se trouvait avec un mari général de l’armée, en a rapidement eu assez de jouer le rôle d’épouse. Elle a donc quitté le mari et le pays pour s’établir à Paris. Pour subvenir à ses besoins, elle a préparé un spectacle de danse qu’elle présenta dans les cabarets. La nouveauté et la hardiesse de la chose ont attiré beaucoup d’attention et dans les premières années, la presse a été louangeuse à son égard. Quand la Première Guerre mondiale s’est déclarée, elle a dû quitter le pays, et c’est après quelque temps en Hollande qu’elle a été contactée par un officier allemand qui lui a remis un permis pour retourner à Paris à condition qu’elle lui transmette certaines informations.

Accusée par la France de vendre des informations à l’Allemagne, alors qu’elle prétend ne pas l’avoir fait, elle doit faire face à un procès perdu d’avance. Cela on le constate dans la troisième partie, celle de la réponse de l’avocat à sa lettre. On constate aussi qu’il a lui-même des préjugés et que sa défense en a assurément souffert.

Le portrait que dresse Paulo Coelho est celui d’une femme avant-gardiste, libre et assumée. Une femme qui avoue rêver d’être acceptée et respectée. C’est ce qui la mène à échanger le sexe pour du pouvoir. Malheureusement pour elle, ça ne fonctionne pas très longtemps. Au début, elle est adulée, mais les critiques et le mépris arrivent rapidement. Sa hardiesse est loin de faire l’unanimité dans une société où la femme est encore reléguée aux rôles d’épouse et de mère. Les multiples amants fortunés et haut placés qu’elle collectionne font parler et dérangent. Son côté frondeur lui vaudra des problèmes.

La lecture nous révèle ce dont on se doutait : Mata Hari a été persécuté parce qu’elle était une femme, parce qu’elle dérangeait la morale ambiante et aussi, il faut le dire, parce qu’elle a quelque peu joué avec le feu en parlant tant à des responsables français et allemand des services d’espionnage.

Comme plusieurs personnes, je connais vaguement le personnage de Mata Hari. En fait, ce que j’en sais, c’est qu’il s’agit d’une danseuse que plusieurs considéraient comme une prostituée de luxe, et qu’elle a été exécutée parce qu’elle a été reconnue coupable d’espionnage.

Le livre de Coelho permet d’en découvrir un peu plus le personnage; notamment sur la partie de sa vie avant qu’elle devienne célèbre. L’auteur ne s’attarde d’ailleurs que peu sur la période durant la guerre, laissant flotter un certain voile de mystère sur ses alléguées activités d’espionnage.

L’histoire se lit facilement, même si la dernière partie est peut-être un peu moins palpitante. Même si certains détails sont véridiques, l’auteur admet avoir parfois un peu arrangé la réalité pour coller au format de roman.  

J’y ai trouvé un petit peu de redondance et j’aurais aimé que l’histoire soit davantage approfondie. Le sujet est passionnant et j’aurais aimé en savoir plus. On se trouve devant un survol des faits, on a l’impression de rester en surface d’une histoire qui aurait pu être encore plus intéressante. J’aurais aimé qu’on aille plus profondément dans le personnage, dans ses entrailles. J’aurais aussi aimé en savoir davantage sur son quotidien et la manière dont elle le vivait. Bien sûr, le choix d’aborder le récit par l’entremise d’une lettre adressée à son avocat alors qu’elle est emprisonnée ne permettait pas l’exploration en ce sens. Et ça, c’est le choix de l’auteur.

Pour ceux qui ont déjà lu du Paulo Coelho, ne cherchez pas de ressemblance avec ses autres romans. On est loin des romans dans lesquels on trouvait un sens, une inspiration. On ressort toutefois avec la certitude que cette femme a été mal jugée et persécutée parce qu’elle dérangeait. Qu’elle a été forte, mais que parfois, cela ne suffit pas.


C’est donc un roman vite lu, somme toute agréable, qui nous fait redécouvrir un personnage connu, une femme souvent enviée et décriée.

Yannick Ollassa / La bouquineuse boulimique

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