Un premier roman bouleversant pour Inès Bayard

 Le malheur du bas, Inès Bayard, Albin Michel

Le roman commence fort. Marie a décidé de tuer son mari et son fils avant de s’enlever la vie. Certains appellent ça un drame familial, mais j’appelle un chat un chat et ici, il s’agit de deux meurtres suivis d’un suicide. Tout comme c’est le cas quand un homme se suicide après avoir tué sa famille. J’ai toujours détesté l’expression « drame familial » pour décrire ce genre de situation. C’est banaliser la violence. Enrober de sucre une réalité amère. Bref, ce premier chapitre nous amène donc à la fin de l’histoire, qu’on reprend depuis le début dès le deuxième chapitre.

Que s’est-il produit pour que Marie en arrive là? Elle semble pourtant tout avoir. La trentaine, un mari qui l’aime et qui aune carrière enviable dans le domaine du droit, elle mène elle-même une carrière intéressante dans une agence bancaire. Ils vivent dans un bel appartement parisien, ont de bons amis, de bonnes relations avec leur famille. Et ils souhaitent maintenant devenir parents. Tout va pour le mieux, jusqu’à ce que Marie soit victime d’un viol. 

À partir de là, ce n’est pas une descente aux enfers, car elle y est déjà, en enfer, dès le moment où l’événement se produit. Je dirais que c’est une cristallisation de l’enfer qui devient si intenable que cela finit par exploser. 


C’est un roman bien intentionné et, de manière générale, bien construit. Cependant, il est un un peu vert. Disons que je ne savais pas que c’était un premier roman, mais je l’ai un peu senti. Il y a juste un petit peu trop d’insistance à nous faire comprendre ce que Marie ressent. Comme si elle avait anticipé qu’on accuserait son histoire de ne pas être réaliste et qu’elle en avait mis une mince couche de trop, au détriment d’un autre aspect qui aurait dû être un peu plus approfondi, la réaction du mari. Une blogueuse avec qui j’ai discuté à ce sujet me disait qu’elle n’avait pas trouvé le déni de Paul crédible. Entre son impression et mon expérience du déni de bon nombre de mes anciens clients en psychothérapie, il n’y a qu’une chose : l’auteure n’a pas su démontrer suffisamment le déni dans lequel Paul s’enfonce. On n’a pas eu accès à toutes ses pensées concernant les comportements et l’état de sa femme. Des indicateurs que Marie n’allait pas bien, il y en a eu plusieurs. Le mari les a balayés en dessous du tapis parce que bien sûr qu’on ne veut pas croire qu’il y a vraiment un problème et qu’une intervention est nécessaire. Cela dit, il ne faut pas oublier que le roman se passe en France, où consulter un psychologue ou un psychiatre est encore très tabou. Cela ne fait généralement pas partie des possibles. Il devait se dire : « Elle n’est pas folle, elle est juste fatiguée. »


Pendant la majeure partie du roman, le lecteur se trouve dans une espèce de huis clos avec Marie. On vit le désespoir et la tension toujours croissants de celle-ci. De ce côté, l’auteure démontre bien la montée en puissance de son mal-être. C’est parfois étouffant, toujours troublant.

En revanche, si les premières pages du roman frappent, il n’en va pas de même pour la fin. On s’en doutait depuis un bout, donc l’effet de chute est raté. 

Somme toute, une très bonne lecture pour prendre conscience de ce que peuvent vivre les survivantes d’agressions sexuelles. Pour cela, chapeau!

 


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