La culture du viol sous la loupe

Jean Farel, journaliste politique de 70 ans, et sa femme Claire, essayiste de 43 ans, vivent une vie qui semble, aux yeux de tous, parfaite. Tout cela changera rapidement. Claire quitte Jean pour Adam, avec qui elle vit une idylle depuis quelques mois. Jean, pour sa part, vit une double vie, entretenant une relation avec une autre femme depuis 18 ans. 

 Peu de temps après leur séparation, leur fils Alexandre est accusé d’agression sexuelle. La vie telle qu’ils la connaissaient éclate en mille morceaux sous les yeux de tous. Jean, adulé du public, déjà prêt à tout pour rester à l’écran alors que certains patrons jugent qu’il est temps pour lui de quitter les ondes, doit redoubler d’efforts pour arriver à ses fins. Claire, étant connue pour ses prises de position féministes, notamment concernant les agressions sexuelles commises à Cologne, est mise à mal par le public l’accusant d’être une hypocrite alors qu’elle soutient l’innocence de son fils. Mais son drame ne s’arrête pas là, puisque la présumée victime de son fils n’est nulle autre que Mila, fille d’Adam, conjoint de Claire, élevée par une mère juive orthodoxe. 

Quant à l’accusé, Alexandre, il côtoyait au moment des accusations une université prestigieuse des États-Unis, bénéficiant des multiples relations de ses parents.

C’est donc à travers ces personnages et un procès dont on explore les moindres détails que l’autrice dresse le portrait de la culture du viol qui, notamment, place le sexe comme un outil de domination. Explorant les divers milieux, économiquement favorisés et défavorisés, politiques et populaires, on entre si profondément dans les mécanismes de l’agression sexuelle et de la culture du viol, avec un regard objectif, explorant chacun des camps, avec le jeune agresseur convaincu de son innocence et la victime qui est formelle, elle n’a jamais consenti à ce rapport.  

En plongeant dans le dernier Karine Tuil, je savais que je m’aventurais dans un roman sur la culture du viol. Toutefois, pendant la majeure partie du bouquin, je me demandais quel était le but de Tuil en l’écrivant. Les personnages, bien campés soit dit en passant, bien que certains plus caricaturaux, sont entiers et complexes. Le personnage accusé d’agression est même très sympathique, convaincu de son innocence, et je me demandais si l’autrice n’allait pas terminer le tout en disculpant l’accusé. Notamment parce que dans tout le récit, les arguments et les sentiments de l’accusé occupent une partie importante que ceux de la présumée victime. Je me suis dit : « Bon, elle veut faire comprendre le point de vue de quelqu’un qui fait face à de telles accusations. » Pas qu’on n’aborde pas le vécu et les répercussions sur la vie de la jeune femme. D’ailleurs, on rage contre le système français, qui, non seulement, fait répéter plusieurs fois, mais tient également une confrontation où les deux parties, l’une en présence de l’autre, font valoir leur version des faits (ce qui est odieux et qui ajoute à l’agression de la victime). C’est simplement mathématique, plus de pages portent sur le vécu de l’accusé que celui de la victime.

À la toute fin, je me suis dit que le message qu’elle passait par l’entremise du bouquin est celui-ci : « Le consentement ce n’est pas toujours noir et blanc, particulièrement quand il n’y a pas un oui ou un non clairement exprimé, et si la victime ne se débat pas. » Ainsi, le roman met en lumière la perte de repères qui arrive aux moments de grands changements sociaux. D’ailleurs, depuis le mouvement #MeToo, plusieurs personnes (majoritairement des hommes) se sont offusquées de devoir maintenant demander expressément le consentement de manière explicite et de ne plus pouvoir flirter en toute liberté. Mais, je fais confiance à l’être humain pour s’adapter, comme il a dû le faire tant de fois dans l’histoire pour le bien de tous. Ça prendra du temps, mais ça viendra.

En somme, une lecture fort à propos qui nous permettra peut-être tous de cheminer un peu.

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