La dévastation résultant d'une erreur judiciaire
Couple afro-américain financièrement confortable, marié depuis un an et demi, Roy Junior et Célestial se rendent visiter les parents du premier à Eloe. Comme les relations sont tendues entre son épouse et sa mère, ils décident de dormir dans un petit hôtel plutôt que dans la maison des parents. Au milieu de la nuit, ils sont réveillés par la police qui arrête Roy pour le viol d’une dame âgée d’une chambre voisine. Bien que Célestial assure la police que son mari n’a pas quitté la chambre de la nuit, rien à faire. Au procès, il est déclaré coupable et reçoit une sentence de 12 ans de prison.
C’est un roman sur la dévastation qu’une telle injustice peut avoir sur la vie d’un individu, plus particulièrement sur sa vie de couple. Après de nombreuses années de travail acharné, son avocat réussit à le faire libérer de prison. À sa sortie après avoir purgé 5 ans pour un crime qu’il n’a pas commis, sa mère est décédée, ça fait deux ans qu’il n’a pas parlé ou écrit à sa femme. Celle-ci lui avait annoncé qu’elle ne pouvait plus être sa femme. Elle ne l’a donc pas attendue. Tout un chocl’attend, lui qui cherche à reprendre un semblant de vie normale avec sa femme.
Tayari Jones pose ainsi plusieurs questions. Le retour à la vie normale est-il possible ? Comment se reconstruit-on quand des parents sont morts, des époux sont passés à autre chose, qu’on a perdu carrière, argent, crédibilité, etc. ? Combien de temps doit-on ou peut-on attendre quelqu’un ? Jusqu’où va l’engagement envers une personne avec laquelle on est en couple depuis moins d’années que la celles qui forment la sentence ?
Alternant entre correspondance et narration à la première personne de plusieurs personnages, le récit est rythmé, bien dosé et nous accroche dès les premières pages pour nous amener au bout de notre chaise, tant la finale est bouleversante et forte. On est de tout cœur avec l’homme qui ressent un puissant sentiment d’injustice qui vient nous prendre aux tripes. Le tout est mené de main de maître, sans pathos, sans fards. Ici, pas de « pauvre mec noir qui se fait cibler par la police » sur un ton larmoyant. C’est un fait qui passe presque au deuxième plan pour explorer les contrecoups humains d’une telle situation.
Le roman, pour lequel l’autrice s’est vue décerner le Women’s Prize for Fiction 2019, m’a franchement plu du début à la fin.
Commentaires
Publier un commentaire