Se sortir d'une enfance malheureuse, est-ce possible?
Je le dis tout de go, cette rencontre avec le roman de Rebecca Lighieri a été le lieu d’un réel coup de cœur ! Et je vous prédis qu’il figurera sur les listes des prix littéraires. J’en suis certaine ! J’ai carrément été happée par cette histoire ! Et que dire de cette fin ! Mais, allez, je vais vous en dire plus.
En C4 peu de mots :
« L’espérance de vie de l’amour, c’est huit ans. Pour la haine, comptez plutôt vingt. La seule chose qui dure toujours, c’est l’enfance, quand elle s’est mal passée. »
Difficile d’avoir une idée de ce qui nous attend. Tout de même, je ne sais pas pourquoi, mais j’étais déjà accrochée.
Dès les premières lignes, on sait que le père de Karel, le narrateur, est mort. Le jeune homme s’interroge sur l’identité de la personne qui a tué son père. En fait, il trouve plus juste la question suivante : « qui n’a pas tué mon père ? » Ce n’est pas lui. Dès lors, on est entraîné dans l’histoire de Karel, de sa sœur Hendrika et de son petit frère Mohand et le triste sort que leurs parents leur ont réservé.
Vivant dans les quartiers nord de Marseille dans une Cité, Karel, et sa fratrie vivent une enfance horrible. Leurs parents sont pauvres, et toxicomanes « à temps partiel », le père est violent physiquement et psychologiquement, particulièrement avec le petit dernier, Mohand, né polyhandicapé au physique ingrat. Étonnamment, c’est celui qui semble le moins atteint par la violence du père bien qu’il soit son souffre-douleur principal.
Les enfants, incapables de s’opposer à leur père pour qu’il cesse ses sévices, sont toutefois unis. Derrière une affiche au-dessus du lit de Mohand, un petit mot plié. JVTMP : Je vais tuer mon père, comme un pacte entre les membres de la fratrie. Un pacte de liberté. Mais, comme le démontre avec brio ce roman d’émancipation, cette dernière peut engendrer une solitude qui n’est pas toujours désirée.
Sans conteste, nous sommes devant un roman qui nous remue. D’une écriture sans fards, Rebecca Lighieri dissèque la violence familiale et expose la toile telle celle de l’araignée, dans laquelle sont pris les enfants. C’est un récit sombre où l’on voyage à l’intérieur de cette cellule explosée, mais surtout à travers ce jeune homme qui voit tout le monde dans son entourage qui fait des combines pour avoir de l’argent. Des vols, du trafic de drogue, pour ne nommer que ceux-ci. S’il s’est longtemps senti bien avec les « gens du voyage », un peu plus libre certes, après un moment, il réalise qu’il n’aspire pas à ce genre de vie.
Mais il y a également des éclairs de lumière. Oui, de la lumière, car Karel est beau d’humanité, attendrissant dans sa quête d’affranchissement de son sombre destin. C’est dans une lutte contre le déterminisme qu’il consacre chaque instant de sa jeune vie. Ici, Rebecca Lighieri nous propulse dans de profondes réflexions. La violence est-elle acquise ou innée ? Est-elle génétique ? Si oui, peut-on échapper à ses gènes ? Karel est-il destiné à être violent comme son père ? La volonté de se sortir de mauvaises circonstances de vie est-elle suffisante ? Est-il nécessaire de couper tous liens avec le passé pour s’en sortir ? La violence est-elle génétique ? Un jeune homme (dans ce cas-ci) est-il condamné à répéter les comportements de son père ? Dans cette histoire, Karel tente tant bien que mal de maîtriser sa violence, espérant de tout cœur réussir… mais un drame se passera qui l’ébranlera.
De plus, l’auteure démontre sans l’ombre d’un doute et d’une manière tangible certaines iniquités de la vie qu’on a parfois du mal à admettre. Quand tu vis dans la pauvreté et la maltraitance (qui viennent avec tout un lot de choses, de défis), tu ne pars pas au même point que les autres.
Un roman à mettre dans votre liste de livres à lire.
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