La dépendance de Rachel Cusk, Prix Femina étranger 2022
Je continue ma lecture de prix littéraires de la saison et cette fois-ci, j’ai envie de vous entretenir sur La dépendance de Rachel Cusk, qui a remporté le Prix Femina Étranger. J’ai trimé un peu sur ce billet. Vous allez peut-être comprendre pourquoi à sa lecture.
Lorsque M, la narratrice, se promène à Paris, elle passe devant une galerie d’art. Les œuvres qui y sont présentées la frappent de plein fouet. Elle est fascinée et remuée par le coup de pinceau du peintre. Quinze ans plus tard, toujours habitée par le souvenir de ces peintures, elle décide d’inviter leur auteur. Elle a l’habitude de recevoir des artistes « en résidence » dans un dans une maisonnette plutôt spartiate (la dépendance) qui se trouve sur son terrain au bord d’un majestueux marais.
Au départ nullement intéressé par cette offre, L finit par accepter l’invitation de M, après plusieurs mois. Il arrive avec une jeune femme, Brett, sans aviser d’abord son hôte. Cela, bien sûr, déplaît à M qui aurait aimé avoir L pour elle seule. En fait, rien ne se passera comme elle l’a prévu. Sa fille de M et son copain viennent habiter avec elle et son mari pour l’été et ainsi la table est mise pour un cocktail d’interactions plutôt compliquées.
Dans La dépendance, Rachel Cusk nous convie à un huis clos au bord d’un marais. C’est un roman où tout le long plane un malaise qui ne nous lâche pas avant d’avoir refermé le livre. D’une part, L est un homme rébarbatif. Il vit un peu aux crochets de ses amis qui l’invitent, l’un après l’autre, à séjourner chez lui pour une période indéterminée. D’autre part, M est si prise dans son manque d’estime et de confiance en elle-même qu’elle cherche à tout prix d’être vue, validée et avoir toute l’attention de L. C’en est pathétique. Le roman pose la loupe sur la lutte qui se tient entre les deux. Elle veut plus de contacts avec lui, il l’évite et la fuit même. Elle force les choses, il refuse de se soumettre. Ajoutons à ça l’isolement du groupe et les dynamiques de chacun sont exacerbées.
Le roman est rédigé comme une longue lettre qu’elle adresse à un certain Jeffers, un homme dont on ne connaît pas l’identité, où elle relate ses interactions avec L. La philosophie occupe une grande place dans le roman. Il y a des passages un peu opaques. On n’est parfois pas sûr d’avoir saisi certaines réflexions et d’autres fois on est convaincu de ne pas avoir saisi. Pour vraiment tirer parti de ce livre, il est nécessaire de le déposer à plusieurs reprises afin de cogiter et de mieux déchiffrer les observations qu’il contient.
Vous avez probablement déduit, avec raison, que l’écriture de Cusk est plutôt alambiquée. Elle questionne le lecteur sur le sens de l’art, mais aussi sur les relations humaines. Elle explore les thèmes d’identité, de liberté, d’autonomie, de féminité et de maternité. Il y a dans ce bouquin de très intéressantes analyses, il faut simplement s’accrocher pour traverser les passages plus nébuleux.
En terminant, une petite note pour la traductrice (tous les traducteurs. rices et éditeurs. rices français, en fait) : « J’ai déjà vu des Indiens d’Amérique » (p. 51), ça ne se dit plus (depuis longtemps) ! Merci de votre attention ! ;-)
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