Hommes, d'Emmanuelle Richard : moins de contrôle, plus de tendresse

Lena Moss a perdu son entreprise à la suite d’une famille. Honteuse, elle souhaite couper avec le monde et quitte pour le Royaume-Uni pratiquer ce qu’on appelle du woofing. C’est lorsqu’une personne travaille bénévolement contre gîte et couvert dans des fermes biologiques ou paysannes à l’étranger. Elle se retrouve donc chez une dame qui a besoin que l’on défriche son terrain. Elle y rencontre un autre woofer, Aiden, un ancien militaire américain plutôt brusque et taciturne qui se prend en « affection » pour elle. Lena n’est pas intéressée par lui amoureusement, mais elle éprouve pour lui un désir irrépressible. Ils auront une liaison cachée, jusqu’au jour où il l’étrangle. Après, elle tente de se tenir loin de lui, mais elle ne comprenant pas trop pourquoi, elle aura encore des relations sexuelles avec lui, jusqu’à ce qu’elle parte pour une ferme dans une différente contrée. Là-bas, elle rencontrera un autre woofer, Gwyn, avec lequel elle aura une profonde histoire sentimentale. 

 

Le roman couvre une période qui s’étend de 2018 à 2038. En 2038, elle est de nouveau cheffe d’entreprise et cette fois-ci, ses affaires sont florissantes. Alors qu’elle reconnaît Aiden à la télévision, recherché pour agressions et meurtres en séries, elle fouille ses souvenirs pour voir s’il y avait des indices qu’elle a manqué, elle se questionne à savoir si elle aurait pu faire quelque chose pour éviter que d’autres femmes souffrent sous les mains de cet homme violent. Elle en profite pour porter un regard sur ses liaisons avec les hommes. Ce sont des observations qui ne sont pas forcément tendres, à l’instar des relations qu’elle a eues. 

 

Hommes est un roman décomplexé où l’auteure parle librement de sexualité. De la sienne et de celles des hommes. Elle explore les dynamiques de pouvoir dans les relations hétérosexuelles, particulièrement le besoin de contrôle des hommes. 

 

Ici, j’en entends certains s’écrier : « Not all men ! ». En effet, tous les hommes sont ainsi et il y a des nuances à appliquer. Il est clair que le discours féministe ne laissera personne indifférent. Certains souligneront qu’elle a rarement quelque chose de positif à dire sur les hommes en général, sauf sur Gwyn. Le roman a pour titre Hommes, il n’est donc pas étonnant que ce qu’on y retrouve soit des généralisations à leur sujet. Cependant, cela ne veut pas dire que tout ce qu’elle avance est faux. Le propos est intéressant et mérite amplement que l’on s’y arrête. 

 

 

Comme femme, on se reconnaît dans certains passages et il est des choses qui font du bien de lire dans un livre. Notamment : 

 

 « L’année grise où j’habitais près du Jardin des Plantes. En rentrant un soir en métro de mon job de vendeuse. Je regardais dans le vide. Le vide se trouvait être les yeux d’un homme. J’avais fini par m’en apercevoir. Il m’observait avec cet air entendu, cette façon de tout prendre pour des signaux, des encouragements qu’ils ont toujours. J’avais baissé les miens et sorti un livre, fait subitement mine d’être absorbée. Il m’attendait à la sortie. Il m’avait suivi plusieurs centaines de mètres jusqu’à ce que je fasse demi-tour et le fixe droit dans les yeux cette fois. Il était parti. Ils perdent leurs moyens devant l’absence de peur, son apparence. Ils débandent dès qu’ils ne dominent plus. L’énergie que ça pompe, passer son temps à ça. » p. 88-89

 

Je vous avoue que je suis restée un peu dubitative devant les 50 dernières pages. À partir de Gwyn, le récit n’est pas en ordre chronologique, mais plutôt selon les souvenirs qui se présentent et au gré de ses fantasmes sur lesquels elle se masturbe en nous les racontant. Ce n’est pas la masturbation qui me donne cet avis mitigé (j’ai été sexologue pendant près de 20 ans), mais plutôt que l’auteure s’égare ou en tout cas, égare le lecteur. Une bonne partie de ce qui est relaté n’ajoute rien à l’histoire ou au cheminement de la protagoniste et on a l’impression d’avoir lu trois fois les passages sur la tendresse. Peut-être insiste-t-elle pour démontrer qu’elle ne déteste pas les hommes, mais que rares sont ceux qui ne lui font pas peur. C’est une hypothèse.

 

J’aurais aussi aimé que le texte parle davantage de l’ex-amant violent, mais l’avis de recherche sur lequel elle tombe n’est que le déclencheur de ses réflexions sur le désir. Réflexions qui sont fort intéressantes et abordées sans fard, sans fausse pudeur. Je m'attendais juste à un roman et moins à un pseudo essai.

 

Donc en bref, Hommes est un roman résolument féministe où chaque femme trouvera des points communs avec la narratrice, quelle que soit son opinion sur les hommes ou sur le féminisme. 


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