On était des loups : j'ai failli passer à côté!

Voilà, je reprends les chroniques sur les prix littéraires. On était des loups a remporté le prix Jean Gioni et le Renaudot des collégiens et est en lice pour d'autres prix cette année. 

Liam, un mec un peu fruste, acerbe, très terre à terre, pragmatique. Un genre d’ermite qui demeure dans la forêt montagneuse. Il rencontre Ava au hasard d’un périple en ville. Ils deviennent amoureux et elle quitte tout pour habiter dans la montagne avec lui. Après de nombreuses discussions, ils ont un enfant. Malgré les réticences de l’homme, qui estime que leur milieu et leur mode de vie sont incompatibles avec les enfants. C’est déjà difficile et dangereux pour un adulte, il ne voit donc pas comment ce projet pourrait être réaliste. Mais Ava l’avait assuré qu’elle se chargerait du bébé. 


« … parce qu’un enfant est une tâche immense, ça signifie s’occuper de quelqu’un d’autre que soi et je ne suis pas sûr qu’on en soit tous capables. C’est étrange que je n’aie jamais eu peur de rien, la nuit, l’avenir, les bagarres ou les bêtes sauvages, alors qu’un gosse, ça ne passe pas. Je ne sais pas comment lui parler, comment le nourrir, où mettre les mains pour le porter. »

 

Un jour, en revenant de sa semaine de chasse, Aru, son fils de 5 ans, n’est pas là pour l’accueillir, comme il a l’habitude de le faire. Il trouve sa femme morte, attaquée par un ours. Sous elle, il découvre son Aru, en vie. Au lieu d’être soulagé qu’il est été épargné, il est contrarié. Que va-t-il faire de lui ? Ce n’est juste pas jouable de l’avoir dans la forêt. 

Comme il doit se mettre en action pour régler son problème, il n’a pas le luxe de la tristesse. La frustration et la colère prennent toute la place. Quand je dis toute la place, je veux dire TOUTE la place. Chaque piste qu’il essaie se solde par un échec, ce qui ne fait que nourrir son courroux. Il ressasse à quel point le petit lui nuira. Durant 150 pages, je me suis demandé où l’autrice nous amenait. Et honnêtement, pourquoi ce roman avait-il gagné des prix ? C’est que, en dépit que ce soit bien écrit, que cela permette de bien constater la progression du personnage, je trouvais qu’on avait pas mal fait le tour de l’homme en colère. Puis, il y a un événement déclencheur/défi, qui fait en sorte qu’il est impossible de déposer le livre avant l’avoir terminé. 

 

Liam est un homme particulier. Il a un registre émotif passablement limité. Plutôt dichotomique. Il ne sait pas nommer ce qu’il vit, donc la conscience de soi est dure à développer. Cependant, il est en capable d’un certain niveau d’introspection, d’autocritique et est lucide quant à la vie et ses propres aptitudes. Ainsi, même si elle est lente (il ne pourrait en être autrement), on est témoin de l’évolution de Liam. Cela atteste donc du talent Collette, car il n’est pas aisé de le faire sentir au lecteur quand on a une narration à la première personne avec un protagoniste qui a peu de conscience émotive. Tout comme l’homme chemine, la tension monte lentement mais sûrement, jusqu’à l’explosion. 

 

Par l’entremise de son personnage principal, l’autrice questionne à savoir comment on peut devenir un père adéquat alors qu’on a eu des parents violents et négligents. Comment peut-on être un bon père pour un enfant qu’on ne voulait pas vraiment ?

 

Aussi, Sandrine Collette dresse un habile parallèle entre la cruauté, la dureté de la nature et celles de l’homme, les deux étant toujours en lutte non seulement pour survivre, mais également pour dominer.

 

En ce sens, On était des loups est un roman que l’on pourrait qualifier d’apprentissage. Et malgré mes doutes passagers, c’est une lecture d’un grand intérêt, que je ne saurais que vous recommander chaudement.

 

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