Désir noir : histoire d’un féminicide

Le 1er août 2003, l’actrice Marie Trintignant décédait après ce qui a été rapporté comme un accident durant une dispute avec son conjoint, le chanteur de Noir Désir, Bertrand Cantat. Vingt ans après sa mort, Anne-Sophie Jahn du journal Le Point, publie un récit tiré de l’enquête qu’elle a fait sur Bertrand Cantat. Car, il ne s’agit pas seulement de ce qui s’est passé avec Marie Trintignant, mais aussi avec Kristzina Rády, sa femme, qui s’est enlevé la vie en janvier 2010, après un retour à la vie commune avec le chanteur, après qu’il ait été libéré de prison.

 

Je me souviens très bien de cette affaire. Je ne connaissais pas Marie Trintignant, je regardais peu de films français. Je savais qu’elle était la fille de Jean-Louis Trintignant, mais c’est tout. Par contre, j’avais entendu et écouté quelques chansons de Noir Désir et de Bertrand Cantat. Ce fut un choc quand j’ai appris « l’histoire ». Je mets le mot entre guillemets, car c’est une fiction qui nous a été racontée. Une mort accidentelle après une dispute alors que le couple était fortement intoxiqué à l’alcool. Cependant, les résultats d’autopsie sont sans équivoque. Il ne s’agit pas « que d’une gifle » après laquelle la femme se serait cogné la tête sur un meuble. Cantat l’a tabassé, puis transporté dans le lit où il l’a laissée là plusieurs heures, jusqu’à ce que le frère de celle-ci se présente le lendemain matin et la trouve inconsciente, le visage sévèrement tuméfié. La description de ses blessures est effroyable. Les privilèges dont il y a bénéficié lors de son court emprisonnement sont révoltantes.

 

Ici, ce n’est pas une enquête journalistique au sens strict, puisqu’une telle investigation se doit d’être rédigée de manière objective. Je préfère le mentionner pour les puristes, on est devant le résultat d’une enquête faite pour une journaliste. On ne peut en vouloir à l’auteure. Avec tous les témoignages et informations juridiques, c’est compréhensible. Il y a beaucoup de renseignements que je n’avais pas eus. Que je crois qui ont peu été diffusées. Et le ton neutre aurait probablement eu pour effet de dédramatiser un crime odieux, bien que les faits parlent d’eux-mêmes. 

 

À travers le rapport de témoignages d’avocats, de proches de toutes les parties impliqués, des documents légaux, Jahn dresse le portrait d’une personne jalouse, possessive et violente. Comme c’est le cas concernant plusieurs hommes violents, parce que très gentils avec les gens extérieurs à leur foyer, Cantat bénéficie d’un capital de sympathie. Phénomène amplifié ici, car il s’agit d’un homme public de gauche s’étant porté à la défense de groupes de personnes démunis. Les gens ont du mal à croire que cet individu charismatique ait tabassé ses conjointes. À Bordeaux, Cantat est une légende. Personne ne parle, même ceux qui savent, de peur de représailles de la part du chanteur, de son entourage ou de ses fans. Ceci inclus sa femme, Kristzina Rády, qui lors du procès est revenue sur ce qu’elle a dit du comportement de Cantat envers elle. Bravant tout cela, Jahn expose Cantat pour ce qu’il est, un homme violent protégé par « ses fidèles ». Comme toujours, la loi du silence protège les agresseurs. 

 

Pourquoi ce livre ? Pour le sensationnalisme ? Pour nourrir le voyeurisme ?

 

Ce n’est pas pour le voyeurisme. Pas du tout. Plutôt pour briser le silence. Pour mettre des noms, des visages le féminicide. Pour dévoiler, encore le cycle de la violence faite aux femmes. Parce que, encore trop de gens ont cette perception que les hommes violents sont ceux qui sont toujours désagréables en public est trop répandue. Que s’ils sont aimables, avenants, ils ne sont pas capables de comportements violents. Il n’en est rien. Le cas Cantat démontre le contraire. Oui, il y a des hommes charismatiques, qui ont l’air gentils mais qui sont violents. Ce que l’on voit d’une personne n’est pas toujours ce qu’elle est. Et aussi parce que non, ce n’est pas une affaire de vie privée. C’est un problème de société or donc, il nous concerne tous. Et s’il faut parler de personnes publiquement connues pour sensibiliser la population, eh bien, on le fera. 

 

Parce qu’il faut briser l’omerta. 

 

Pas une de plus !

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