Les Insolents, d'Ann Scott : où est l'insolence?

Alex, compositrice quadragénaire, quitte Paris et ses inséparables amis, Jacques et Margot (aussi célibataires, sans enfants), pour habiter une ville en bord de mer en Bretagne. Choisir de vivre en région plutôt qu’à Paris. Quand on est artiste, ça semble illogique. Qu’à cela ne tienne, Alex ressent le besoin de s’isoler pour créer. Pour donner un autre souffle à sa vie.   

La décision d’Alex illustre celle de bien des gens, ces derniers temps. Durant la pandémie, beaucoup d’entre nous se sont rendu compte du poids de la solitude. 

D’autres ont pris conscience que le ralentissement du rythme, la diminution des contacts sociaux leur ont fait du bien. 

 

Pour plusieurs, choisir l’éloignement ainsi que le célibat est dérangeant. Comme si cela portait un jugement sur eux. Sur leur désir de vivre une existence trépidante, sur leur besoin d’être entouré. Mais pour Alex, il y a une acceptation. La préférence de vivre seule plutôt que d’être seule à deux, juste pour ne pas être à part. On considère souvent le choix de la solitude comme une fuite. On croit que ceux qui s’isolent ont peur de s’engager dans des relations interpersonnelles. Est-ce ce qu’Alex fait ? 

 

Oui, quitter famille et amis, être célibataire, c’est parfois effrayant. Quand on s’éloigne, les autres nous oublient-ils ? Bien sûr, les liens se distancient, certains se coupent. Et que ferait-on si on se retrouvait involontairement seul ?

 

Les Insolents, c’est aussi l’histoire d’une certaine désillusion de la vie que les personnages auraient souhaitée. Vous savez, « avoir une belle vie ». Mais qu’est-ce qu’une « belle vie », en fait ? Travailler beaucoup, posséder des choses, être toujours occupé, etc. ? Ou diminuer son rythme de vie, consommer moins, être plus calme, savourer son existence et être présent ? Un judicieux mélange des deux ?

 

Puis, en passant comme ça, Scott en profite pour glisser de pertinentes observations sur l’influence des réseaux sociaux sur le climat social. 

 

« L’Internet a tout détruit. La haine, la jalousie, le mépris, la mauvaise foi, les critiques d’amateurs qui se transforment en procès, tout ça a bousillé le moral d’absolument tous les artistes qu’elle connait qui à un moment ou à un autre ont eu un compte ici ou là. » page 164

 

« Pendant un temps, il trouvait que le virtuel était devenu le réel tant il s’y passait plus de choses importantes ou intéressantes, mais finalement, le virtuel ne sert qu’à se sentir moins seul dans la connerie et la haine des autres et de soi. J’ai pas de couilles mais c’est pas grave, toi non plus. Aux débuts de Twitter, quand il y avait des clashes, les gens s’engueulaient cinq minutes pas se séparaient en haussant les épaules. Maintenant, ça dure cinq heures ou cinq jours, tout le monde s’est radicalisé. Tout le monde veut faire partie de la conversation même si la conversation a mal tourné depuis longtemps. » page 172

 

Bon, maintenant, je dois dire que je n’ai pas particulièrement compris le choix du titre. Je n’ai pas trouvé d’insolence dans le roman. C’est peut-être davantage perçu comme insolent en France, de vivre seul, cependant au Québec ça passe déjà pas mal mieux. 

 

Malgré tout l’intérêt du propos et des réflexions, ce n’est pas un bouquin qui m’a touché. L’écriture a fait en sorte que je suis restée très spectatrice de l’histoire d’Alex. Il manquait d’éléments sensitifs, émotifs pour que la distance que je ressentais avec elle s’amenuise. 


Les Insolents a reçu le prix Renaudot 2023 et a été retenu pour la liste préliminaire du Prix des libraires du Québec. 


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