Tout le monde savait, de Valérie Bacot

Le 13 mars 2016, à la suite d’un viol effectué par un client, Valérie Bacot tue son mari violent qui la prostituait. En octobre 2017, elle est arrêtée pour le meurtre de Daniel Polette et ses enfants sont aussi interpellés pour avoir enterré le cadavre de leur père.  

Valérie Bacot est agressée sexuellement (à répétition) par le conjoint de sa mère, une femme alcoolique et violente, dès l’âge de 12 ans. La mère sait et ferme les yeux. Après une dénonciation dont on ne connaît pas la provenance, l’agresseur est emprisonné. Valérie est forcée par sa mère à l’accompagner lorsqu’elle le visite. À sa libération, il retourne habiter avec elles jusqu’au jour où, inévitablement, Valérie se trouve enceinte. Daniel Polette décide de quitter la mère et amène la jeune fille avec lui. En plus des assauts sexuelles, les violences psychologique et physique deviennent peu à peu son lot quotidien. L’homme maltraitera aussi leurs quatre enfants. 

 

Il est révoltant que tout le monde ait été au courant, mais n’ait fait rien (le père de Valérie savait également, mais a abandonné l’idée de la protéger). Que la mère ait en quelque sorte « donné » sa fille à cet homme pour ne pas être seule. 

 

Quel fort témoignage ! Enrageant ! Le système judiciaire et la Protection de l’enfance ont failli. Parce que si les parents ne font pas leur travail, il y a des instances qui devraient prendre le relais. Et dans ce cas-ci, il n’y a aucune raison qu’elles n’aient pas réagi puisque l’agresseur a fait de la prison et, donc, ils ne pouvaient pas l’ignorer. C’est inadmissible !

 

La négligence dont ont fait preuve la justice et la protection de l’enfance n’a pas eu un impact que pour une personne, mais sur plusieurs ! Ici, madame Bacot, ses quatre enfants et les amis qui ont été proches d’eux et impliqués après le meurtre. Ce n’est pas qu’une seule vie brisée. C’est plusieurs. C’est aussi envers ces humains là que les instances » ont failli. 

 

Le récit est complet. Elle livre les faits, les raconte sans pudeur, mais sans larmoiement. De même, l’autrice présente avec clarté le cycle de la violence, ses conséquences tout en dénonçant le mutisme des familles (sa mère, son père et les frères et sœurs de son agresseur, notamment), des voisins. Silence qui devient en quelque sorte une forme de complicité. 

 

Il n’y a aucun doute que cette histoire se terminerait par au moins une mort. Il n’y avait aucune autre option. 

 

Elle décrit avec une douloureuse acuité la façon dont, jour après jour, il détruit de plus en plus l’image d’elle-même qu’elle pouvait avoir. Particulièrement, car à 12 ans, l’identité n’est pas totalement formée et il l’a conditionnée à se détester, à ne pas exister, à penser qu’elle ne mérite pas mieux que le traitement qu’il lui réserve et que tout cela est normal. On ressent le stress post-traumatique (une fois sortie, parce que tant qu’il est là et qu’elle subit la violence, on est toujours dans le trauma) qu’elle vit. 

 

Un témoignage éloquent et complet qui fait réfléchir et devrait être suivi d’actions concrètes des systèmes pour que des situations pareilles ne se reproduisent plus jamais. C’est dur, c’est très dur. Tout le monde savait ne laissera personne insensible. C’est impossible. Mais si on a l’espace psychologique pour le lire, c’est un livre important. 

 

Au moment de la publication, Valérie Bacot attendait son procès. Le 25 juin 2021, elle a été jugée coupable du meurtre de son conjoint, a reçu une peine de 4 ans de prison, dont 3 avec sursis. Ayant fait 1 an de détention préventive, elle n’a pas été réincarcérée. Ce fut la première fois que la justice française a reconnu « le syndrome de la femme battue ».

 


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