Impunité de Hélène Devynck : un brillant et révoltant écrit

                                                 
 

Impunité est le récit d’Hélène Devynck, paru à l’automne 2022. C’est un livre coup de poing, dans lequel elle détaille à l’aide d’exemples concrets les conditions qui créent l’impunité des agresseurs connus et en position de pouvoir. Dans ce cas-ci, elle parle de son expérience qu'elle et plusieurs femmes auraient vécues avec un ancien présentateur de nouvelles et écrivain vedette français. Le 18 décembre 2023, il a été mis en examen pour viol sur l’autrice Florence Porcel, commis en 2009. Bien que plusieurs femmes (23) l’aient dénoncé pour agression sexuelle ou viol, les faits sont prescrits dans la quasi-totalité des cas. 

 

Selon Devynck, l'homme, un peu comme Depardieu, aurait joui de la protection et la couverture du milieu. De nombreux membres de son savaient. Un « homme à femmes », un séducteur. Ainsi sont les mots utilisés pour le décrire. Pour minimiser, banaliser son comportement. Des évènements allégués remonteraient jusque dans les années 1980. Au cours de la lecture, on est en mesure de déceler un modus operandi que l’homme répétera pendant des décennies. Les faits sont odieux. J’ai trouvé particulièrement pervers le viol allégué commis sur une jeune femme qui souffrait de troubles du comportement alimentaire DEVANT la photo de sa fille maintenant décédée, qui vivait avec les mêmes troubles. Et ce n’est qu’un exemple. Il y a des choses absolument abominables qui sont rapportées dans le bouquin.

 

Plusieurs l’ont défendu en disant « pourquoi aurait-il eu besoin de violer des femmes puisqu’elles tombent à ses pieds ? » Pour sa part, il argumente en déclarant que ses dénonciatrices sont des femmes aigries d’avoir été éconduites par lui. Comme si toutes ces femmes auraient voulu avoir des relations sexuelles avec lui sur la moquette dans son bureau ! 

 

L’ouvrage met aussi en lumière qu' il n’y a pas de notion de consentement dans la loi française. De fait, le consentement est présumé. Ainsi donc, une personne doit explicitement dire « non » pour que l’on puisse penser à considérer qu’elle ne consent pas (je sais, je suis sarcastique, mais c'est justifié). Alors que certains pays ont édicté le concept de consentement positif (Belgique, le Canada, l’Allemagne et l’Espagne), c’est donc à dire qu’on ne peut utiliser le fait qu’une victime n’ait pas dit non, par exemple si elle est en état de choc et est figée, pour envisager qu’elle a consenti à la relation sexuelle. 

 

Devynck touche également un mot concernant l’appellation de « victime », de « survivant.e » (plus couramment utilisée en Amérique du Nord, et autres. Sans imposer sa vision des choses, elle rejoint la mienne alors qu’elle parle « d’ex-victime ». Je me souviens que mon commentaire à propos de l’utilisation du terme « victime » pour désigner des adultes victimes d’inceste durant l’enfance avait fait réagir (en référence au texte de Neige Sinno). Je trouve que le terme (et la signification derrière) « d’ex-victime » est plus juste que celui de « victime » d’inceste lorsque la personne est maintenant adulte. Et ce, sans nier les blessures et conséquences qui ont encore un impact dans la vie, quel que soit l’âge. Bref. 

 

« Étrangement, les agresseurs sont les seuls qui revendiquent le statut de victime sans se poser de questions ». P 177

 

Au-delà du dossier spécifique du récit, ce qui m’a aussi beaucoup choquée, c’est qu’avant 2016, une femme qui portait plainte pour viol et que les procédures aboutissaient sur un non-lieu (le plus souvent parce qu’on jugeait qu’il n’y avait pas suffisamment preuves pour que ça aille en procès) et que l’homme portait plainte alors pour dénonciation calomnieuse, la femme était automatiquement condamnée. Jusqu’à ce qu’une dame passe au travers de 22 ans de procédures à la Cour européenne des droits de l’homme et que la France soit condamnée pour non-respect de la présomption d’innocence. 

 

Impunité, c’est aussi l’histoire de la solidarité des femmes. Un bel exemple de sororité qui fait du bien à lire. Elles se sont soutenues par courriels, textos, appels, rencontres, en signant des textes ensemble. 

 

J'ai trouvé le ton, la structure, les propos du récit PARFAITS ! Tout simplement. C’est un ouvrage magistral dont on n’a pas suffisamment parlé. Il est à placer entre toutes les mains. Que l’on sache qui est cet homme ou non, afin de prendre conscience de tous les mécanismes qui banalisent, minimisent, les agressions et supportent les agresseurs. Qui taisent les femmes. Leur font porter l’odieux des violences subies. Pour mettre un terme à l’impunité. Pour fracasser la culture du viol. Pour mettre fin à la loi du silence. 

 

Absolument révoltant ! 

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Petite-Ville

48 indices sur la disparition de ma sœur

La psy / Never lie, Freida McFadden