Noir d'os

On connaît Gloria Jean Watkins sous le nom de bell hooks (avec des minuscules, pour faire passer la cause avant l’individu). L’écrivaine et militante américaine, figure importante du féminisme afro-américain, est décédée en 2021. Ces dernières années on a eu la chance que ses textes soient réédités, car ils sont furieusement d’actualité. Toujours. Noir d’os — Mémoires de filles est son premier ouvrage autobiographique. 

 

bell hooks a grandi durant les années 50 et 60 dans Kentucky dans le Sud des États-Unis, à l’époque de la ségrégation. À travers une collection de perceptions et de ressentis rendus comme des petites vignettes de trois pages. hooks traite de racisme, de colorisme, de sexisme, de violence, d’isolement, de sexualité, d’identité et de liberté. On y trouve les signes précurseurs du futur militantisme de l’autrice.

 

La narration est en grande partie à la troisième personne, même quand elle parle d’elle. Au départ, donne l’impression que c’est impersonnel, mais ça lui permet de mettre de la distance avec les faits, les traumatismes, et peut-être également d’englober les autres filles noires. Ça prend quand même quelques pages pour adhérer à la narration… entrer dans le beat. Cependant, j’avoue être restée à l’écart, dans certains chapitres. 

 

Beaucoup est dit sur ce qui semble être l’apparence, mais celle-ci symbolise le statut social : la coiffure de femme et les vêtements de femme que la jeune se voit refuser. Pour vraiment créer la différence entre l’enfant et l’adulte. D’une part une question de statut, mais d’autre part, il y a comme un aspect de protection de la petite fille qui est sous-jacent à ces pratiques. Il n’en demeure pas moins que le cumul de l’état de fille et de noire devient étouffant pour la narratrice et on comprend un peu plus l’engagement de sa vie pour atteindre la liberté. D’ailleurs, la quête de liberté, la lutte pour y parvenir est une des choses que je retiens de cet ouvrage.

 

Oh, c’est vrai ! Je tiens à noter que c’est la première fois que je vois le mot empouvoirement utilisé dans un texte. Je trippe pas fort, fort. Je trouve que ça sonne mal. Mais il n’y a pas d’autre mot en français qui traduit « empowerment » dans toutes ses significations. 

 

Mouton noir de la famille, mise à part, bell hooks a brisé son isolement à l’aide de la lecture, pour s’exposer à une multitude d’expériences. Pour se figurer le monde. Noir d’os est un récit d’émancipation dont l’écriture simple tout en étant poétique non seulement raconte l’histoire touchante de son autrice, mais agit également à titre de représentation de l’expérience des filles noires. Les attentes de perfection qui sont plus élevées et plus difficiles à atteindre que pour les petites filles blanches, parce qu’elles n’ont pas eu accès aux mêmes conditions de vie, aux mêmes moyens, à la même liberté. Quand on dit que la représentation est importante, ben c’est ça ! On a l’impression d’exister. D’être vue, d’être entendue. C’est ce que bell hooks fait avec ces mots. Elle permet à ces filles, à ces femmes d’exister. Pis ça, c’est TOUT.


Merci à Interforum Canada et aux Éditions Plon pour cette lecture!

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