Voyage à la Villa du Jardin secret

Coup de cœur de l’année 2024 ! Et tout un hasard, car je n’étais pas au courant de l’existence du bouquin ou de J. P. Chabot. C’est une de mes libraires qui m’en a parlé sur le fly, après une table ronde qu’elle a animée au dernier Salon du livre.

 

Audrey-Ann Bélanger qui est atteinte d’Ataxie de Friedreich. Fauteuil roulant, chien d’assistance, puissantes douleurs. Elle a rencontré J. P. Chabot alors qu’il était son prof de français au Cégep. Après la session, les deux ont lié une amitié autour d’un projet de la jeune femme. Puis est venue à Chabot l’idée d’écrire sur le vécu d’Audrey-Ann, de la qualité de soins, etc. Mais, comme cela n’avançait pas de la manière dont l’auteur le voulait, les deux décident de partir au Costa Rica pour fuir l’hiver et travailler sur le bouquin. 

 

Le résultat que l’on a entre les mains est un récit avec des passages de type essai et des petits bouts commentés par Audrey-Ann. Puis, ce qui étonne, mais amène une dimension plus intéressante au texte, d’un quasi-verbatim de la lecture du manuscrit qu’a fait l’auteur à son amie afin d’avoir ses observations et ressentis à son sujet. Ainsi on est témoin, par son entremise, des moments qu’ils passent ensemble. Ça donne au texte une oralité très agréable.  

 

J. P. Chabot nous entretient de littérature, d’enseignement, de handicap, de soins, d’inclusivité. Mais surtout, surtout, c’est un bouquin sur l’amitié. Car, à travers les pages, les recensions d’études, la quête du but et du format du livre, des anecdotes, c’est la force du lien qui unit les amis qui nous frappe. Qui nous étreint. On la voit, on la sent. C’est dans le ton, dans les soins, dans l’intimité, dans la communication, dans le souci de l’autre, dans les recherches qu’iel a faites.

 

« … la littérature est éminemment politique ; la littérature est sociale ; la littérature a un impact concret sur le monde. »

 

En lisant, je ne pouvais m’empêcher de me dire que c’est quand même beaucoup d’intimité pour une amitié. Au début, ça n’a pas dû être facile. Et c’est une réalité à laquelle on ne pense pas souvent, mais avec certaines incapacités, il faut accepter de laisser des gens entrer dans notre intimité la plus profonde. 

 

C’est un texte fort pertinent et si juste ! Saupoudré d’humour par-ci, par-là.

C’est sûr qu’en tant qu’ancienne prof de cégep et conseillère pédagogique, je suis en terrain connu. Puis, comme personne en situation de handicap, je me suis senti exister, légitime, même. 

 

Malgré l’avertissement, je ne suis pas du tout perdue dans cette « structure labyrinthique ». Il a eu tant de sens pour moi. Est-ce que ce sera le cas de tous, je ne sais pas. Je dois noter qu’il est possible que des lecteurs aient de la difficulté en raison du vocabulaire parfois plus recherché, mais j’estime que ça vaut le coût. 

 

J’ai apprécié son regard aiguisé sur le réseau de la santé et la société pas très inclusive. Il fait également preuve d’une grande honnêteté. Il n’y a pas qu’Audrey-Ann qui se dévoile. Il le fait aussi. Dans un souci d’équité.

 

« la “société inclusive” a une façon bien à elle de discriminer et d’enfermer les personnes handicapées. »

 

C’est un ouvrage foisonnant, les passages « essais » attestent d’un travail de recherche rigoureux. Il y a une pléthore de suggestions de lecture avec points principaux et appréciation. Mais c’est surtout touchant. Moi, ça m’a bouleversé. Et ravi. Mille fois !

 

Quand il a dédicacé mon exemplaire, je l’ai remercié de nous faire exister dans la littérature. Mais j’étais loin de me douter du contenu du livre et de l’ampleur des analyses d’études qu’il avait faites. De l’impact que ça pourrait avoir en ce qui concerne de potentielles prises de conscience, même si elles étaient éphémères, sur le lecteur. Mes remerciements me semblent bien moches, bien fades. Je ne sais pas comment exprimer le bonheur et l’apaisement que m’a apportés cette lecture. Je me suis sentie comprise, considérée, vue. Et ça, c’est un énorme bonus qui fait de Voyage à la Villa du Jardin secret un coup de cœur.

 

Originale, que dis-je unique, singulière, cette lecture est un impératif ! 

 

Pis, J. P. Chabot est un être profondément empathique. Wow !

 

Voilà, je n’ai pas réussi à être concise. Désolée, je ne voulais pas tout laisser dans un document archivé dans mon ordi.

 


RÉFLEXIONS ÉPARSES

 

Exister, c’est être vu. Mais personne ne nous (personnes en situation de handicap) voit (en partie parce que les lieux ne sont pas accessibles), alors, pour la société, on n’existe pas. C’est un foutu cercle vicieux. 

 

J’en aurais long à dire sur les failles du système et des professionnels de la santé. Par exemple, que les médecins spécialistes ne nous disent pas et que notre état empire alors que ç’aurait été simple à éviter, juste en donnant une information. Entre autres, au lieu de lui dire qu’il est important de rester actif alors que le patient a encore sa mobilité, il serait préférable de lui dire particulièrement de faire des exercices qui ciblent les muscles faibles. De faire de la physio, pour maintenir les capacités ou freiner la détérioration. Cela permettrait de freiner des handicaps qui ont des conséquences sur tous les systèmes du corps et, par conséquent, éviter de surcharger le réseau qui déjà n’arrive pas à répondre aux besoins de la population. 



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