Peut-on faire mentir le déterminisme social?

Belfast en Irlande du Nord. Des décennies après les conflits entre catholiques et protestants, ce qu’on a appelé les «Troubles», ont toujours des conséquences dans le quotidien de la population : la récession, les traumatismes, la peur. La classe ouvrière a du mal à garder espoir en une vie meilleure. Malgré tout, Sean est allé étudier à l’université à Liverpool. Il aimerait être auteur. Maintenant de retour à Belfast, il est financièrement démuni, usant parfois d’un subterfuge aux caisses automatiques pour voler de la nourriture. Il habite dans des lieux crades, insalubres et n’arrive pas à garder un emploi. Sa vie est remplie de moult beuveries et de nuits et jours entiers à consommer de la coke. Quand un soir il agresse un gars lors d’une fête et se retrouve à faire des travaux d’intérêt général.
 
 
C’est à ce moment qu’on le rencontre, alors même qu’il renoue avec Mairéad, une fille avec qui il a eu une relation à l’adolescence, dont il est amoureux, mais qui ne lui retourne pas ses sentiments. La jeune femme qui est aussi allée à l’université veut bien être son amie, par contre. Ainsi, elle le mêle avec ses collègues de fac de temps en temps. Sean n’est pas à l’aise en leur compagnie. Il les trouve snobs et insupportables, parce qu’ils aiment l’art et qu’ils s’expriment d’une autre manière que ses potes du secondaire. C’est pourtant un peu contradictoire qu’il ait étudié la littérature anglaise à l’université et qu’il se sente inférieur à eux. Est-ce que l’auteur a voulu démontrer qu’il s’était tellement identifié à son milieu et ses proches et qu’il ne réalisait pas qu’il a les connaissances et compétences à peu près égales? C’est comme s’il se voyait encore comme l’ado qu’il a été et qu’il n’arrivait pas à mettre son image de soi «à jour». 
 
Peut-on faire mentir le déterminisme social? Même si on a fait des études universitaires alors que tout notre entourage n’a pas fait d’études passé le niveau secondaire, quand on revient dans notre milieu d’origine, comment ne pas retomber dans nos vieilles pantoufles? Celles-ci sont bien sûr usées, trouées, elles blessent un peu, mais comme c’est tout ce qu’on a connu, il est facile de les enfiler de nouveau. Ça demande d’énormes efforts, ça cause inévitablement des périodes de souffrance et ça prend beaucoup de soutien si l’on veut poursuivre nos aspirations. Il faut s’accrocher.  
 
Alors, voilà, j’ai abordé la lecture avec grand d’enthousiasme. Cependant rapidement, j’ai trouvé qu’il y avait trop de longueurs pour moi, j’ai longtemps attendu de comprendre ce que l’auteur voulait nous proposer, j’avais hâte de l’avoir terminé. Selon moi, répéter tous les jours de travaux d’intérêt public, toutes les scènes de fête, c’était moyennement intéressant. Magee a beaucoup donné dans les gars qui carburent à la coke et qui se battent. Je ne suis pas convaincue qu’elles apportaient toutes quelque chose à l’histoire. Ouais, on saisit le marasme, ça, l’auteur nous l’illustre de manière criante! Aussi, il y a peu de développement du personnage. Le protagoniste ne porte pas de regard sur le geste qu’il a posé avant le dernier quart du livre. J’aurais aimé que l’auteur aille plus en profondeur autant en ce qui a trait à Sean, mais également à l’interaction entre les différentes «classes sociales». Il y a la piste de la demi-sœur qui aurait pu être davantage exploitée. En 432 pages, j’en attendais davantage. Le roman aurait pu faire 100 pages de moins, facile! Les parties sur les travaux d’intérêt général sont trop en détail pour ce qu’elles apportent. 
 
Ceci n’est que mon humble expérience, hein. Il a été beaucoup apprécié de plusieurs, il est même en lice pour un ou deux prix littéraires. Car malgré mes réserves, je dois avouer que le regard que porte Magee sur l’Irlande du Nord est cruellement franc, sombre et sans complaisance.

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