Ils appelent ça l'amour
« Parce qu'elle a laissé ses amies organiser leur escapade durant ce week-end de trois jours, Clotilde se retrouve dans une ville qu'elle avait rayée de la carte. Ici, il y a vingt ans, elle a vécu avec Monsieur, un homme qui fit d'elle sa Madame sous prétexte de lui faire du bien. C'est ainsi que Clotilde se dépouilla d'elle-même, jusqu'à devenir un simple objet, mais un objet d'amour.
-De son assujettissement d'alors, Clotilde a encore abihonte, et elle a beaucoup de mal à se découdre la bouche pour reconnaître les faits. La preuve: ni Adélaïde, ni Judith, ni Bérangère, ni Hermeline ne connaissent cette histoire, et aucune ne se doute qu'à deux rues de leur location, dans son immense maison, habite toujours Monsieur:
Clotilde se demande si libérer sa parole pourrait aider la honte à enfin changer de camp. «
Dans Ils appellent ça l’amour, l’autrice nous livre un récit poignant à travers le personnage de Clotilde, dont l’évolution entre ses 30 ans et ses 50 ans est frappante. Autrefois snob et attachée à des idéaux romantiques, Clotilde est désormais confrontée aux réalités amères de ses choix passés. L’écriture, à la fois poétique et vitriolique, oscille entre sarcasme et lucidité crue.
Le roman déconstruit le mythe du prince charmant, un idéal auquel Clotilde a cru, piégée par sa dépendance financière et émotionnelle. L'amour apparaît ici non pas comme un refuge, mais comme une cage dorée. La réflexion philosophique sur des concepts tels que l'âme sœur, héritée de Platon, est vivement critiquée, mettant en lumière l'endoctrinement sociétal des femmes à croire en un amour salvateur et absolu.
Le personnage masculin, bien que censé avoir 50 ans, est décrit avec une lourdeur et une autorité rappelant un homme beaucoup plus âgé. Il illustre parfaitement les mécanismes d'aliénation et de contrôle dans la violence conjugale : flatteries, refus du mariage prétexté comme un gage de pureté des sentiments, infantilisation de Clotilde sous couvert d'agir "pour son bien". Le roman dévoile la manipulation derrière ces gestes anodins, souvent banalisés.
Le passé tragique de Clotilde, témoin de l’assassinat de sa mère par son père, ajoute une profondeur sombre à son rapport à la violence et à l’amour. L’autrice tisse des liens entre trauma familial et relations de couple abusives, soulignant la répétition des schémas de soumission.
À travers des clins d'œil à des œuvres précédentes comme Phallers, le roman propose une réflexion sur le consentement et la complexité des agressions sexuelles dans un cadre intime. Clotilde questionne la frontière entre se forcer et être forcée, entre amour et pouvoir, entre volonté et manipulation. Cette confusion est exacerbée par les paroles rassurantes de l’agresseur, illustrant l’ambiguïté douloureuse du consentement sous emprise.
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