Cinquante nuances de Grey


Par Yannick Ollassa / La Bouquineuse boulimique

La jeune Anastasia Steele, une étudiante en littérature âgée de 21 ans, se rend faire une entrevue avec un riche et puissant homme d’affaires, également jeune, beau et ténébreux. Malgré sa maladresse et sa nervosité, il tombe sous son charme et lui propose un contrat, non pas d’affaires, mais un contrat de soumission à des fins sexuelles. S’ensuivent négociations et parties de jambes en l’air. Voilà pour le résumé.

Maintenant, qu’ai-je pensé du livre qui s’est vendu à plus de 40 millions d’exemplaires? Évidemment, c’est bourré de clichés et d’idées reçues. Bien sûr, l’auteure suit une recette. Celle des Harlequin (des contes de fées pour adultes) avec du BDSM (Bondage, domination et sado-masochisme).

Certains éléments sont plus ou moins crédibles, dont le plus important, mais non le moindre : une jeune vierge nerveuse et intimidée par le puissant homme d’affaires qu’est Christian Grey, dans la vraie vie, ne jouit pas autant qu’Anastasia. Encore moins la première fois, qu’on se le dise! Quel message envoie-t-on aux jeunes filles? Qu'on est en mesure de jouir du premier coup, comme ça, en claquant des doigts? Malheureusement, ce n'est pas réaliste. Oui c'est de la fiction, mais sur cet aspect, faisons attention aux messages que l'on transmet. 

Par ailleurs, il a le bénéfice d’aborder un thème un peu tabou, l’asservissement sexuel. On n’en parle pas trop, cependant ce type de pratiques est plus répandu que l’on ne le croirait. C’est pour ça que EL James a pu écrire à ce sujet et que ses livres connaissent ce succès. Parce que ça choque beaucoup moins qu’avant et que ça intrigue beaucoup plus. Lire Cinquante nuances de Grey, c’est aussi être un peu voyeur.

Pourtant, ce n’est pas, à mon sens, un roman érotique. Ce n’est pas parce que l’on décrit des actes sexuels qu’ils sont excitants. C’est surtout un livre sur les jeux de pouvoir. Sur ce qu’une enfance malheureuse et l’impression d’être hors de contrôle peuvent faire de ravages sur l’être humain. En fait, la sexualité m’apparait secondaire. La vraie question est la dynamique dominant – dominé. Le sexe est juste une des matérialisations, parmi les plus puissantes, de cela. Si l’on pousse l’analyse, il faut le mentionner, c’est lui qui est soumis. Oui, oui! On est toujours dominé et dominant à la fois. Il n’y échappe pas. Il est tributaire de ses pulsions, de sa haine envers lui-même, de sa partenaire, pour ressentir du plaisir sexuel. C’est un réel esclavage.

Pourquoi est-ce que ça vend autant? Je ne sais pas. Ce qui est intéressant, excitant, voire irrésistible, pour certaines personnes : les aspects ténébreux et intrigant de l’homme en question, le fait d’être désirée de la sorte, le pouvoir qu’Anastasia a sur un homme puissant et séduisant, la notion de danger. Encore? Parce qu’il y a du sexe, parce que nous vivons dans un monde en mal de sensations de plus en plus fortes. Parce que nous sommes curieux et que la machine derrière la mise en marché du livre a bien fait son travail. Ce n’est certes pas de la grande littérature, mais c’est divertissant.


Cinquante nuances de Grey
E L James
JC Lattès
Papier : 24,95 $/ 17 €    
Numérique : 16,99 $ / 11,99 €

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