Les Proies dans le harem de Kadhafi

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Viol, abus de drogue, d’alcool, magie noire, violence et bien plus ont constitué le quotidien de Kadhafi, selon la source d’Annick Cojean.

Quand on ouvre Les proies dans le harem de Kadhafi, on s’attend à lire des choses dérangeantes. C’est indéniable. Mais, si on n’a pas vu l’auteure en entrevue, d’aucune façon on ne peut se douter de ce que l’on y trouve. C’est certes un récit outrageant. On y découvre un homme si ivre de pouvoir qu’il en frise l’aliénation. En fait, il est difficile de savoir s’il a basculé dans la folie ou non, puisqu’il semble toujours sous l’effet de substances illicites ou d’alcool.

L’ouvrage est divisé en deux parties. La première est constituée du récit de Soraya et la deuxième expose les détails de l’enquête de la journaliste. Cependant, tout est basé sur le témoignage de la jeune source. Aucune autre femme n’a osé parler des sévices vécus de peur de représailles et pire, que la honte s’abatte sur toutes leurs familles et que celles-ci se voient dans l’obligation de les assassiner pour sauver leur honneur. Car là-bas, bien qu’elles aient été victimes de viols répétés, c’est sur elles que l’odieux de ces crimes tombe.

Soraya dévoile que l’homme qui projetait l’image du chef d’État le plus ouvert du monde musulman n’était en fait qu’un tortionnaire misanthrope. Ce qui est inouï pour un dirigeant qui se disait précurseur en ce qui a trait à la place des femmes dans l’armée ainsi que dans toutes les sphères sociales. Selon le récit, les Amazones de Kadhafi n’étaient ni plus ni moins que des membres de son harem. Ces adolescentes étaient recrutées majoritairement dans des écoles, alors que le Guide allait les visiter. Ce n’était rien d’autre qu’une opération de repérage. Il sélectionnait les plus jolies, celles à qui il ferait l’honneur de les rencontrer en privé, sous quelque subterfuge que ce soit. Le système était bien organisé. Lorsqu’il posait la main sur la tête d’une des jeunes filles, Mabrouka et sa suite savaient qu’elle était une des élues. Il s’agissait généralement d’adolescentes de 12 à 15 ans qui, après avoir été choisies, étaient enlevées et emprisonnées dans un sous-sol lugubre à Bab-al-Azizia. Une fois arrivée, chacune d’entre elles devait se soumettre au rituel des prises de sang, question de s’assurer que le Guide ne contracte aucune maladie à leur contact. Après quoi, elles devaient rester sur le qui-vive afin d’être prêtes à être convoquées par Kadhafi à toute heure du jour ou de la nuit. Lorsqu’il le faisait, c’était, semble-t-il, pour les battre et les violer sauvagement. Quand il se lassait d’une fille, il la mariait à un des hauts gradés de l’armée, pour la garder à proximité.

Toutefois, la perversion sexuelle de Kadhafi ne s’arrêtait pas aux adolescentes et aux femmes. Selon Soraya, il s’attaquait aussi aux épouses des diplomates africains ainsi qu’à certains de ses généraux d’armée. Il imposait ainsi son pouvoir à l’aide du viol et de la violence. Il se livrait également à la magie noire, recueillant le sang de filles qu’il déflorait afin de pratiquer des rituels dont la teneur n’est pas précisée.

Un livre révoltant, particulièrement pour les Occidentaux que nous sommes. On peut se questionner sur la véracité des allégations qui y sont contenues, comme personne n’a osé corroborer les dires de sa source de façon officielle. Cependant, Annick Cojean, grand reporter au journal Le Monde, dont la réputation n’est plus à faire, a mené de sérieuses enquêtes afin de vérifier certaines accusations de Soraya. N’obtenant pas d’autres témoignages, elle s’est appuyée sur des faits qu’elle a recoupés avec le récit de la jeune femme. L’écriture est suffisamment sensible pour laisser transparaître les sentiments de Soraya comme si c’était elle qui avait rédigé le livre. D’autre part, on sent bien la rigueur journalistique dans l’attention portée aux détails.

Une lecture qui jette un éclairage sur l’homme de pouvoir.

Les Proies
Dans le harem de Kadhafi
Annick Cojean
Grasset
29,95 $/19 €

Yannick Ollassa / La Bouquineuse boulimique

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