Quand le trouble obsessionnel compulsif s'immisce entre elle et lui

Si Désespérés s’abstenir et Cher trou de cul mettait en scène Clara, cette fois-ci, Annie Quintin nous présente un tout nouveau personnage.

Eve et Louis sont en couple depuis 5 ans. Pour tout le monde, après quelques années de vie commune, il n’est pas rare de voir la monotonie s’installer. Dans leur cas, la situation se complique du fait qu’Eve est atteinte de Trouble obsessionnel compulsif. Elle ressent le besoin irrépressible d’aligner les choses. Tout doit être en ordre et à sa place selon ce que commande son TOC. C’est déjà un calvaire pour elle, mais cela le devient davantage, car Louis, professeur à l’université, à des masses de papiers dans quelques pièces de leur appartement. Sa tendance à laisser traîner, bien qu’il s’efforce de ranger, devient intolérable pour Eve, qui arrive à la conclusion que pour que leur couple survive, il leur est nécessaire de vivre chacun dans son appartement. Ce à quoi lui acquiesse. Vite, peut-être trop vite au goût d’Eve qui trouve qu’il n’a pas opposé grand résistance.


Entre Eve et Louis, il y avait de nombreux non-dits et des malaises déjà avant qu’ils vivent séparément. La distance physique entre eux ne peut qu’augmenter la quantité d’informations omises. De plus, le déménagement crée une brèche entre elle et lui par laquelle tout peut entrer. Leur regard change et ils deviennent plus susceptibles à être ouverts aux autres possibilités. Pour Eve, elle prend la forme de Charles, un bel homme d’affaires qu’elle a rencontré alors qu’elle est allée visiter sa grand-mère adorée à sa maison de retraite. Confiant et insistant, viendra-t-il à bout des résistances de la belle rousse? Dans le cas de Louis, qui a dû faire une annonce pour se trouver un chambreur pour amoindrir les coûts du logement, c’est une chambreuse qui, bien qu’elle ne soit pas son genre de femme, s’avère une aguicheuse de première. Lui aussi, réussira-t-il à ne pas céder aux avances à peine voilées de celle qui partage son appartement?

Le thème de l’amour est sans contredit le sujet chouchou d’Annie Quintin. À chaque roman, elle sait l’aborder sous un angle nouveau et avec des variables différentes. Bien que son écriture soit vive et qu’elle coule de source, les histoires ne sont jamais superficielles. Elle sait doser légèreté et profondeur.

Un des intérêts principaux de ce roman est qu’il parle des troubles obsessionnels compulsifs dans le contexte amoureux. Concernant les TOC, on dit souvent à la blague que quelqu’un « est TOC ». Toutefois, souffrir d’un trouble obsessionnel compulsif, c’est plus que d’avoir des petites manies. C’est plus que juste être rigide. Il prend presque tout l’espace dans la vie de la personne, pensées envahissantes et angoissantes qui la force à faire quelque chose pour apaiser son anxiété. Ne pouvoir s’empêcher de s’adonner à un rituel, que ce soit de compter, de nettoyer ou, par exemple, de ranger des objets. Les personnes atteintes peuvent passer des heures chaque jour à accomplir leurs rituels. La description qu’en fait Annie Quintin est à la fois juste et sensible. On constate à quel point c’est lourd et l’on saisit de manière limpide l’impact que la maladie peut avoir sur l’autre ainsi que la relation de couple.

Petite anecdote personnelle qui démontre le réalisme du roman : ça m’a fait sourire quand Eve demande à Louis de la rappeler dans un mois, parce qu’elle commençait un nouveau médicament. C’est qu’il y a une période d’acclimatation physique aux médicaments et ça prend en général au moins un mois pour que les effets thérapeutiques se fassent sentir. Je vis ça chaque fois que j’entreprends la prise d’un nouveau médicament pour la douleur. Ce sont des petits détails comme ça qui rendent toute la construction du personnage réaliste. D’ailleurs, chaque personnage est fouillé et beau dans sa vulnérabilité. En fait, ils sont attendrissants.

Ce n’est pas une chick lit au sens strict du terme. Annie Quintin va toujours un peu plus loin que la jeune fille un peu distraite et maladroite qui a du mal avec un patron et qui est désespérément à la recherche de son prince. Dans cette histoire-ci, il n’y a pas que le personnage féminin qui nous parle, mais aussi Louis. Sa perspective est intéressante et nous permet de mesurer l’impact du vécu d’Eve ainsi que du sien.

J’ai effectué ma lecture en écoutant la liste de lecture musicale de l’auteure. Je l’avais fait avec le roman précédent et cela demeure une expérience agréable. La musique est planante, propice à la lecture et apporte à l’ambiance du roman. 

Un roman qui se dévore!


Pour lire nos chroniques sur les romans précédents d'Annie Quintin :  



Yannick Ollassa / La Bouquineuse boulimique

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