Francis d'Alexandre Michaud : de désoeuvrement et de rêve
Dans la vie, il y a de ces amitiés qui sont toxiques. Antoine Lavoie, un ado plutôt introverti d’Amqui pourrait très bien en faire l’expérience. L’aspirant écrivain, qui se confond à la tapisserie et qui trouve un certain réconfort dans la lecture de classiques de la littérature, mène une vie plutôt morne et… franchement difficile par moments. Sa mère est en dépression chronique et fortement médicamentée depuis sa naissance. La brume médicamenteuse dans laquelle elle se trouve la plupart du temps rend ses interactions avec son fils et son mari minimales. De son côté, le père d’Antoine a été déclaré invalide au travail après un accident et fait les bennes à ordures d’épiceries et de restaurants afin de nourrir sa famille.
Un jour où il est dans la forêt, il aperçoit Francis et sa bande. Pour les éviter, il essaie de se camoufler derrière un buisson, mais peine perdue, Francis l’a aperçu. Francis, c’est un jeune à la réputation peu reluisante. Il terrorise même de nombreux adultes. Le lendemain de la ballade en forêt, il interpelle Antoine alors qu’ils sont à l’école. Apprenant qu’Antoine rêve d’écrire, Francis lui rétorque qu’il n’aurait rien à écrire, car il ne vit pas. Il se donne donc le mandat de lui faire vivre des aventures afin de lui donner de la matière avec laquelle travailler. Dès lors, on se doute que ça risque de se corser rapidement. De la consommation d’alcool jusqu’au coma éthylique, des courses de motoneige, et d’autres mésaventures s’enchaînent sans qu’on sache où ça s’arrêtera.
Tout au long de la lecture de ce roman sombre, on se demande ce que veut Francis. On se doute qu’il utilise Antoine, on se dit qu’il a des visées sadiques, puis parfois on se dit qu’il le prend en pitié. Parce qu’il y a des moments où on sent que Francis se préoccupe un peu de lui. Mais, on sait aussi que l’adolescence n’est pas tendre, qu’elle tolère difficilement les gens différents, surtout dans les petits villages. Ainsi l’auteur nous maintient toujours dans ce suspense, comme si on était sur une corde raide. Ça peut basculer en tout temps et on s’attend à ce que ça bascule du côté obscur.
Alexandre Michaud exprime de manière tangible le désir caché d’Antoine d’être comme les autres, un désir partagé par une majeure partie de la population, surtout adolescente. Ce n’est pas rose, surtout à 15 ans, d’être différent. Différent de ses parents, différent des autres jeunes. Habillement, et sans faire de leçons, il manifeste que ça peut parfois coûter cher de vouloir rentrer dans le moule. Qu’il y a toujours un leader négatif qui peut être prêt à en tirer parti, pour s’amuser, pour se faire valoir, pour nuire ou toute autre raison.
Avec énormément de délicatesse, Michaud traite aussi de la situation des enfants dont les parents sont morts, laissés au soin d’un vieux grand-père qui n’est plus autonome, ou encore dont les parents sont inaptes à s’occuper d’eux et des conséquences que cela peut avoir. Il est difficile, dans les petits villages où tous se connaissent, de dépasser ce que les gens croient savoir de nous et de nos proches. Certains réussissent à s’en sortir, d’autres pas.
Alexandre Michaud s’est vu décerner le Prix Robert-Cliche du premier roman pour Francis. Associé à ce prix, vient une bourse de 10 000 $.
Merci au Groupe VLB Littérature
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