Ces eaux qui me grugent : un beau troisième roman pour Dany Leclair

 

La Baie, Sagueney 2013.

 

D’où est-ce que je viens ? Où vais-je ? Comment ? Cela vaut-il la peine de continuer ? Ce sont ces questions qui turlupinent Christian à un moment très particulier de sa vie. Alors que des pluies torrentielles menacent d’emporter sa maison comme elle l’a fait avec celle de ses voisins, et que sa conjointe et ses enfants ont déjà quitté les lieux, Christian passe une dernière nuit, seul, pour relire son manuscrit une ultime fois. Il se donne jusqu’au matin pour ce faire, mais aussi pour prendre une lourde décision. Il vient d’apprendre qu’il a un cancer et ne sait quel est son pronostic. Pour lui, c’est un double choc. De prime abord, l’annonce de la présence d’un cancer est traumatisante. Ajoutez à cela que son père est décédé à 43 ans et que de neuf générations d’hommes dans la ligne de son père, aucun n’a vécu pour voir ses 50 ans. Y a-t-il une malédiction sur les hommes de sa famille ? Est-il condamné à périr dans la quarantaine, lui qui aura 43 ans demain ?

 

Christian a écrit pour dresser le portrait de son père, essayer de le saisir qui il était. Il se rend compte qu’il ne le connaît pas vraiment. Mais qui sait qui sont réellement ses parents, en particulier comme dans le cas du protagoniste, qui a perdu son paternel à 13 ans. Il consigne donc ses souvenirs de ce paternel à tendance défaitiste, qui explose parfois et qui gère ses émotions avec l’alcool. Il ajuste des petits trucs par-ci, par-là, embellit peut-être certaines anecdotes. On ne sait pas ce qui est inventé ou pas. Mais c’est tout de même intéressant de voir comment il tente de « reconstruire » ses réminiscences de sa jeunesse et de qui était son père. Et ainsi, sûrement, donner le ton pour son rapport avec ses propres enfants. 

 

Ces eaux qui me grugent explore avec justesse les relations père-fils. Les attentes, celle des enfants par rapport à leurs parents, celles des parents envers leur progéniture. Les désillusions de la vie. Christian a peur de décevoir son père. Ça arrive parfois. On lit beaucoup d’anecdotes où il a gaffé. Et les réactions imprévisibles de son père le terrorisent. Christian est un garçon un peu anxieux. Ceci s’explique notamment, parce qu’enfant, on s’en remet à ses parents pour nous procurer le sentiment de sécurité. Les sautes d’humeur du père ont sans doute déstabilisé Christian (avec raison) et on est partis pour le cercle vicieux de petits qui cherchent à être rassurés par le comportement des parents, qui eux, sentent la pression et explosent, etc. 

 

D’une écriture fluide, le récit coule telle la pluie qui tombe. On avale les pages rapidement, curieux de savoir quelle décision prendra le protagoniste. Au fil des heures, les eaux grugent le terrain de Christian, comme ses émotions le grugent, comme le cancer gruge son corps. Comme lui, on garde espoir.

 

Pas besoin d’être issue de la génération X pour apprécier la lecture. Ni d’être un homme. Mais bien sûr, si l’on fait partie d’une ou des deux catégories, il est certain que cela fera sûrement vibrer des sentiments de nostalgie. Pis, petit mot de la fin : Ouf ! Les souvenirs ! Christian et moi, on a les mêmes références. 

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