Last call : un travail de recherche collossal!

Il y a une nouvelle vague d’œuvres de fiction et de non-fiction portant sur des tueurs en série qui mettent l’accent sur les victimes plutôt que les assassins. Au lieu de glorifier les derniers, on préfère (avec raison) rendre hommage aux premières. Last Call s’inscrit dans cette veine. 
 
Elon Green s’est intéressé à un cas qui est presque passé sous silence. Dans les années 1980 et 1990 a sévit le Last call killer, un tueur en série qui s’est attaqué à la communauté gay de New York. Les corps démembrés d’hommes gais sont trouvés dans des sacs de poubelle. 
 
D’emblée, je précise qu’il s’agit d’une enquête exhaustive (je mets l’emphase ici sur ce mot), qui m’a fait penser à mes cours de méthodologie de recherche. Chaque élément ou parole rapportée est appuyé d’une source, que l’on peut retrouver en fin de livre (il y en avait trop — 668 — pour le faire en bas de page). Personnellement, je n’ai pas senti le besoin de les consulter, mais celui qui veut a la possibilité de le faire. 
 
Au-delà de l’histoire des meurtres et des victimes du Last call killer, on a droit à un portrait du climat d’insécurité pour les homosexuels.les aux États-Unis dans les années 1970, 1980 et 1990. Il profite également de l’occasion pour présenter l’histoire du travail sexuel, répertorier les endroits « gay friendly » de New York à l’époque et raconter les ravages du Sida. Ainsi il nous permet de comprendre à quel point ça pouvait être dangereux de s’afficher. Quant aux victimes, Green retourne dans leur vie, dans leur enfance. Il décrit leur personnalité, leurs goûts, leurs activités, leurs fréquentations.
 
Au départ, j’étais impatiente d’en savoir plus sur l’enquête policière. Cependant, dès que j’ai saisi que l’intention réelle d’Elon Green était de dresser un portrait plus large de cette affaire en la situant dans son contexte social et historique, en y donnant une très grande place à l’histoire des victimes, j’ai pu m’ancrer davantage dans ma lecture. En fait, il ne faut pas s’attendre à un true crime classique qui est centré sur l’enquête policière et sur le procès, sinon on passe à côté. Cela dit, le livre est rempli de longues digressions et de très nombreux détails et ça peut agacer le lecteur. Ainsi donc, ça demande un certain temps avant d’adhérer (ou pas) à la proposition de l’auteur. 
 
Tout de même, j’ai apprécié en savoir davantage sur tout le contexte social dans lequel ses meurtres se sont inscrits. Ça donne à saisir à quel point les membres de la communauté homosexuelle ont été terrorisés, de même que les homicides sont passés dans l’indifférence des autorités. 
 
Somme toute, un document très fouillé qui allie une méthodologie rigoureuse à une grande sensibilité et une magnanimité indéniable. 


Merci aux Éditions Sonatine et à Interforum Canada pour la lecture! 

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