Rouge feu : la deuxième partie des mémoires de bell hooks
bell hooks est une figure importante du féminisme américain, particulièrement afro-américain.
Noir d’os, le premier livre de ses mémoires, portait sur son enfance. Ici, Rouge feu nous transporte de son adolescence à sa vie adulte. Comme Noir d’os, cet ouvrage est un patchwork ou collage, popularisé par les féministes afro-américaines. Donc ce n’est pas un récit chronologique où la narration oscille entre « je » et « elle », notamment pour se distancier de la douleur. Toutefois, même dans la narration à la première personne, il y a parfois tout de même un ton impersonnel, une distance.
On y apprend qu’une violente altercation entre ses parents l’a poussée à réfléchir à la relation entre l’amour et le pouvoir. Après moult réflexions, hooks a décidé de rechercher une relation de couple ouvert, ce que l’on appelle la non-monogamie éthique.
- hooks évoque le plaisir et la douleur : « fondements psychologiques et philosophiquessur lesquelles s’appuie cette vie d’écrivaine. » Au départ, elle a écrit pour se libérer de la douleur.
L’autrice, qui a écrit ses deux premiers livres à 21 ans, s’est longuement posé la question à savoir si une femme peut se réaliser en tant qu’écrivaine alors qu’elle est dans une relation de couple avec un homme ou qu’elle est mère. Elle n’y répond pas d’emblée, mais son expérience tant à démontrer que c’est difficile à faire, notamment en raison de la tendance à prioriser le conjoint et ses accomplissements, etc. Bien sûr, hooks est née en 1952. Certes, les rapports homme femme ont évolué. À quel point ? Cela reste à voir.
La question raciale est centrale dans ce volet de ses mémoires. hooks met en lumière l’idée reçue que les hommes noirs ne veulent pas être en couple avec des femmes noires intelligentes. De même, elle analyse des perceptions d’un couple de noirs par les blancs.
- Elle a été l’une des premières à parler d’intersectionnalité du féminisme et à soutenir que les femmes noires sont différemment et même plus oppressées que les blanches, et qu’ainsi donc il n’y pas une expérience 100 % commune entre les deux parties.
- Arrivée en ville pour ses études, hooks, après mûre réflexion, utilise le terme d’apartheid racial pour ce qui se passait dans le sud des États-Unis, notamment dans le Kentucky, où elle a grandi. Cette appellation dérange, bien sûr.
Rouge feu m’a davantage plu que le premier volet de ses mémoires, Noir d’os. Elle est adulte, elle fait des apprentissages, c’est un peu plus concret. Elle parle de la femme qu’on connaît, donc on se lie encore plus à elle.
Vivre ses principes, qu’ils soient féministes, antiracistes ou autres n’est pas toujours facile. Parfois on a l’impression qu’elle avait deux sies parallèles, parce qu’elle semble inconsciemment un tantinet, comment dirais-je ça, presque contrôlée dans son couple, malgré ses valeurs, ses revendications et puis ses écrits féministes. Des schémas de comportements bien incrustés (je fais référence au contrôle auquel son père la soumettait) ne sont pas simples à démanteler. Ainsi, bell hooks faire preuve d’une honnêteté rafraîchissante. À mon sens, le vrai féminisme est aussi transparent. En nous racontant sa vie avec Mack, elle se place à la même hauteur que nous. Elle ne prétend pas être la parfaite féministe irréprochable qui sait s’affirmer en toutes situations.
En passant, le terme « lecteurice » is a thing. Il est utilisé dans le bouquin.
Merci Interforum Canada pour le service de presse!
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